Visite en Indonésie : les priorités de M. Macron
Emmanuel Macron se rendra en Indonésie pour une visite d'État à la fin du mois de mai, marquant une nouvelle étape dans le partenariat stratégique engagé entre Paris et Jakarta depuis 2011.
Le président français discutera avec son homologue indonésien, Prabowo Subianto, de l’accélération de l’accord I-EUCEPA (Indonesia–European Union Comprehensive Economic Partnership Agreement), du renforcement de la coopération en matière de défense et de sécurité maritime, des investissements industriels stratégiques, du soutien à l’adhésion de l’Indonésie à l’OCDE, ainsi que de la mise en œuvre du règlement européen sur la déforestation (RDUE).
Partenariat stratégique à géométrie variable
Depuis la visite du président François Hollande en 2017, Jakarta n'a pas accueilli d'autre chef d'État français. La future visite du président Emmanuel Macron s'inscrit donc dans un moment solennel, porteur d'espoir et chargé de symboles, à un moment où la France et l'Indonésie se trouvent face à des défis globaux majeurs.
Mais à y regarder de plus près, les priorités affichées — économie, défense, transition énergétique — laissent un goût amer. Car elles occultent les sujets autrement plus fondamentaux, à commencer par les droits de l’homme. Ceux-ci sont tout simplement absents de l’agenda, réduits au silence diplomatique.
Un silence d’autant plus troublant que le président Macron, un an plus tôt, réaffirmait avec conviction son attachement à la protection des droits humains dans le cadre de sa stratégie indo-pacifique. Comment expliquer, alors, cette dissonance entre les discours et les actes ?
Plus inquiétant encore : ce partenariat choisit de détourner le regard face à la situation alarmante en Papouasie occidentale, où l’armée indonésienne impose une présence répressive, une réalité constamment documentée par des ONG internationales telles qu’Amnesty International et Human Rights Watch.
Difficile de ne pas y voir une hypocrisie flagrante : M. Macron, si prompt à fustiger les « nouveaux impérialismes » dans le Pacifique, garde un silence assourdissant face à une occupation brutale qui écrase les peuples autochtones de Papouasie occidentale depuis plus de soixante ans !
En dépit d’une réglementation rigoureuse encadrant les exportations d’armement — qu’il s’agisse de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne ou de traités internationaux comme le Traité sur le commerce des armes (TCA) — la France continue d’armer massivement l’Indonésie.
Un exemple frappant : en 2022, Dassault Aviation a conclu avec Jakarta un contrat faramineux pour la vente de 42 avions de combat Rafale. Montant de l’accord : plus de 7 milliards d’euros !
Armes françaises contre les Papous
Comment ne pas ressentir un profond malaise face à de telles ventes d’armes ?
L’Indonésie n’est pas un pays riche. Selon la Banque mondiale, près de 60 % de sa population — soit quelque 165 millions de personnes — vivent dans la pauvreté. Parmi elles, 25 millions d’Indonésiens sont confrontés à la malnutrition, au manque d’éducation, parfois même à la faim. Et pendant ce temps, des milliards sont engloutis dans l’achat des armes de guerre.
Depuis l'annexion de la Papouasie occidentale en 1963, l'armée indonésienne a mené une vingtaine d'opérations militaires dans la région, entraînant la mort de centaines de milliers de Papous et forçant des dizaines de milliers à l'exil.
Tragiquement, les armes françaises livrées à Jakarta n’échappent pas à ce sombre tableau : elles ont déjà été, et seront sans doute encore, utilisées contre les populations papoues.
Des entreprises françaises telles qu'Airbus, Thales, Nexter, MBDA et Dassault Aviation ont fourni des équipements militaires à l'armée indonésienne, comprenant des hélicoptères, des missiles, des obusiers et des munitions.
Certains de ces armements ont été utilisés lors d'attaques ciblant des villages en Papouasie occidentale. Pour en savoir plus, consultez le site "War on West Papua" :
https://www.waronwestpapua.org/france
Désarmer la diplomatie française
Face à un tel scandale, deux questions s’imposent — aussi troublantes que nécessaires :
- Comment la France, qui aime se présenter comme la patrie des droits de l’homme, peut-elle continuer à alimenter, même indirectement, des crimes contre l’humanité ?
- Pourquoi, alors, choisir le silence complice plutôt que l’action responsable, en particulier sur la question de la Papouasie occidentale ?
Face aux exactions, aux répressions et aux violations systématiques des droits fondamentaux que subit le peuple papou, que vaut le silence d’une nation comme la France ?
Ne pas dénoncer, ne pas agir, ne pas même nommer ces injustices revient à les cautionner. En se murant dans une prudente indifférence, la France se rend complice d’un oubli stratégique, d’une invisibilisation qui tue à petit feu.
Et pourtant, la France a les moyens d’agir : en portant le sujet devant les instances internationales, en conditionnant sa coopération avec l’Indonésie au respect des droits humains, ou en soutenant les voix papoues qui réclament justice et autodétermination.
L’action responsable commence par le courage de regarder en face ce que beaucoup préfèrent ignorer : les réalités dérangeantes, les injustices lointaines, les souffrances invisibles parce qu’elles ne servent aucun intérêt immédiat.
Fermer les yeux, détourner le regard ou se réfugier dans le silence diplomatique, c’est laisser le champ libre à l’impunité. C’est abandonner ceux qui espèrent encore que la France, forte de son héritage humaniste, saura prendre la parole lorsque tant d’autres choisissent de se taire.
Assumer ses responsabilités et promouvoir une politique étrangère plus éthique : tel est le défi que la France doit relever si elle souhaite rester fidèle à l’idéal qu’elle revendique.
En effet, on ne peut se dire patrie des droits de l’homme tout en ménageant ceux qui les bafouent. On ne peut se poser en défenseur de la justice tout en esquivant les combats essentiels au nom de calculs géostratégiques. Ce n’est qu’en incarnant ses principes, même lorsque cela coûte, que la France retrouvera sa légitimité morale — et sa vraie grandeur sur la scène internationale.
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Un enfant papou avec une fusée Thales FZ dans le village d'Ogimba, 2020. |
Il est temps de dire STOP :
- NON au commerce d’armes français qui alimente les conflits, soutient des régimes oppressifs et piétine les principes mêmes que la France prétend incarner.
- NON à cette diplomatie cynique qui troque la paix contre des profits.
- NON à l’exportation de la violence sous pavillon tricolore.
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