Papouasie‑Occidentale : un « territoire de guerre » pour ses habitants

Papouasie‑Occidentale : un « territoire de guerre » pour ses habitants

La Papouasie‑Occidentale, située à l’extrémité orientale de l’Indonésie et bordant la Papouasie‑Nouvelle‑Guinée, est aujourd’hui parmi les régions les plus militarisées d’Asie du Sud‑Est. 


Ce statut n’est pas seulement une question d’effectifs : il reflète une stratégie de contrôle sécuritaire qui transforme profondément la vie quotidienne des populations autochtones, de leurs territoires ancestraux et de leur culture.

Le conflit qui s’y déroule est complexe, enraciné dans une histoire longue de contestation du pouvoir étatique central et d’aspirations de liberté et d’autodétermination de la part de nombreux Papous. 

Depuis l’annexion de l’ancienne Nouvelle‑Guinée occidentale par l’Indonésie en 1963, la région est le théâtre d’un conflit armé de basse intensité mais persistant entre l’État indonésien et des mouvements pro‑indépendantistes tels que l’Armée de Libération Nationale de Papouasie‑Occidentale (TPNPB).


Un déploiement sécuritaire massif en 2025

En 2025, les chiffres montrent l’ampleur de la militarisation : selon des médias locaux, plus de 83 000 soldats des forces armées indonésiennes (TNI) et de la police (Polri) ont été déployés à travers la Papouasie. Ce nombre est sans précédent et dépasse largement l’effectif supposé des forces armées indépendantistes, estimé à environ 1 500 combattants. 

Cette concentration de forces de sécurité ne se limite pas à des zones isolées, mais s’étend à l’ensemble de la Papouasie : dans des régions comme Intan Jaya, Puncak Jaya, Nduga, Yahukimo, et d’autres, des dizaines de postes militaires ont été installés au cœur même des villages ou à proximité immédiate des communautés civiles. 


Transformation des territoires civils en zones de guerre

Ce déploiement a transformé des espaces autrefois essentiellement agricoles, forestiers ou villageois en véritables territoires de guerre. Dans plusieurs districts du centre des hauts plateaux, l’armée a occupé ou installé des postes dans des écoles, des centres communautaires, voire des bâtiments publics, « militarisant presque chaque village ». 

Intan Jaya est devenu un cas emblématique : des dizaines de postes militaires ont été construits dans des zones où vivaient auparavant des familles de paysans et d’artisans, avec comme conséquence une obligation de déplacement forcé vers des zones plus sûres ou des refuges forestiers. 

Les communautés de Lanny Jaya, Paniai et Pegunungan Bintang subissent également des activités militaires quotidiennes qui restreignent leur liberté de mouvement, leur accès aux ressources, et la sécurité de leurs enfants. 


Conséquences humaines : déplacement, peur et violation des droits

L’intensification militaire a eu des effets humains catastrophiques pour les populations indigènes papoues. Selon des rapports récents :

Selon Human Rights Monitor, une centaine de milliers de personnes restent déplacées à l’intérieur de leur propre territoire, cherchant refuge dans les forêts ou dans des villages moins exposés aux opérations militaires. 

Les opérations militaires et de police intensifiées au cours de 2025 ont été accompagnées d’arrestations arbitraires, de bombardements proches des zones civiles, de destruction de maisons et d’atteintes aux infrastructures civiles.

De nombreux habitants vivent dans un climat de peur permanente, craignant non seulement les affrontements armés, mais aussi des actes illégaux de violence commis par des agents de sécurité. 

Dans plusieurs régions, la militarisation durable a restreint l’accès des populations à des services essentiels — notamment l’éducation, les soins médicaux et l’agriculture traditionnelle — parce que les postes militaires occupent parfois des écoles ou des centres communautaires. 


Un conflit sans solution militaire claire

Malgré la présence massive de forces armées, la situation sécuritaire ne s’est pas stabilisée. Au contraire, les affrontements entre les TNI/Polri et des unités pro‑indépendantistes continuent, avec des civils souvent pris entre deux feux. Les statistiques montrent une persistance des attaques et des affrontements dans diverses parties de la région.

Les observateurs nationaux et internationaux remettent en question l’efficacité d’une solution fondée uniquement sur la force. La militarisation intensifiée — même si elle est officiellement présentée comme nécessaire pour la sécurité et la protection des projets de développement — n’a pas mis fin au conflit. Elle a plutôt créé un cycle de violences et d’insécurités qui affecte profondément les populations autochtones.


Militarisation économique et environnementale

La militarisation n’est pas seulement sécuritaire : elle accompagne des projets économiques ambitieux de développement et d’exploitation des ressources. Par exemple, des initiatives agricoles à grande échelle et des opérations d’extraction de ressources naturelles dans des zones écologiquement sensibles sont soutenues par la présence militaire, ce qui contribue à la dislocation sociale et écologique des territoires papous. 


Un État de siège durable

Aujourd’hui, la Papouasie‑Occidentale illustre une réalité brutale : près d’un soldat pour environ 80 habitants — un ratio extrêmement élevé qui signale non pas un simple déploiement sécuritaire, mais un véritable mode de gouvernance par la force. Cette militarisation permanente modifie non seulement le paysage social et politique, mais remet profondément en question les droits humains, la dignité culturelle et l’avenir même de communautés autochtones qui veulent préserver leur identité et leur autonomie.

Pour beaucoup d’observateurs et d’activistes, la prolongation du conflit sans solution politique réelle signifie que le « territoire de guerre » restera une tragédie humaine sans résolution juste tant que le dialogue politique authentique ne remplacera pas la logique militariste dominante.


Sources

[1] Papua conflict – Wikipedia

[2] Growing human rights concerns amidst significant expansion of military presence across the West Papuan central highlands

[3] Papua Quarterly Report Q2 2025: Escalation without accountability

[4] IDP update August 25: Humanitarian crisis amidst ongoing military operations

[5] Militarization in West Papua: the disrupted life of indigenous peoples

[6] Papua Quarterly Report Q3 2025: Violence and Impunity

[7] Indonesia calls in military to help clear forests at rapid pace – FT


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