Papouasie : quand l’islamisation devient arme de colonisation

Papouasie : quand l’islamisation devient arme de colonisation

Depuis plus de soixante ans, l’État indonésien s’acharne à dissoudre l’identité papoue dans le moule artificiel de la nation indonésienne. L’un des outils les plus insidieux de cette entreprise d’assimilation est l’instrumentalisation de la religion — en particulier l’islam — à des fins politiques. Il ne s’agit pas ici de condamner l’islam en tant que foi religieuse, mais de dénoncer son usage comme levier de domination culturelle et politique en Papouasie.


Une présence ancienne, mais marginale

L’islam n’est pas étranger à la Papouasie. Bien au contraire, il y a pénétré dès le 16ème siècle avec les marchands musulmans installés à Fak-Fak, sur la façade occidentale de l’île. Mais cette implantation fut restreinte, peu missionnaire et surtout motivée par des intérêts commerciaux. Ces commerçants participèrent même à la traite d’esclaves papous, dont certains furent enrôlés dans les armées du sultan de Tidore. Ce n’est que bien plus tard, à l’époque de la colonisation indonésienne, que l’islam devint un instrument d’ingénierie sociale à grande échelle.


Le christianisme, vecteur d’émancipation

Le christianisme, introduit au XIXe siècle par des missionnaires protestants puis catholiques, prit rapidement racine. Non pas par imposition, mais par une lente inculturation qui respectait les coutumes locales. L’Église devint un acteur essentiel de l’éducation, de la santé, de la dignité humaine. En moins d’un siècle, 95 % des Papous adoptèrent la foi chrétienne. Le lien entre christianisme et identité papoue est devenu indissociable.


L’occupation et l’inversion des valeurs religieuses

Mais avec l’occupation de la Papouasie par l’Indonésie en 1963, la religion change de visage. D’expression spirituelle, elle devient outil de contrôle. L’État, au nom de l’unité nationale, lance une politique d’islamisation déguisée :

Transmigration massive de populations majoritairement musulmanes depuis Java et Sulawesi ;

Construction exponentielle de mosquées, comme à Jayapura où l’on compte aujourd’hui plus de 260 édifices musulmans ;

Déportation éducative d’enfants papous vers Java, sous prétexte d’éducation gratuite, pour y subir un endoctrinement religieux dans des internats islamiques.

Entre 2005 et 2013, plus de 200 enfants papous ont été ainsi séparés de leur famille. Une ONG islamiste, l’AFKN, revendique fièrement avoir « éduqué » 2 200 enfants papous. Ce chiffre rappelle les 4 500 enfants timorais enlevés durant l’occupation du Timor oriental.


Le silence coupable de l’Église

Face à cette stratégie de dilution culturelle, un silence assourdissant règne du côté des responsables ecclésiastiques. Alors même que des enfants sont déracinés, que des villages sont effacés, que des croyances sont instrumentalisées, l’Église institutionnelle reste muette. Pis encore : certains évêques et prêtres collaborent ouvertement avec le pouvoir. Les voix prophétiques sont censurées. Le message du Christ devient un slogan sans force, et les pasteurs oublient leur devoir de défendre le troupeau.


Un peuple menacé dans son être

La question est posée avec gravité : dans cinquante ans, les Papous seront-ils encore chrétiens ? Seront-ils même encore Papous ? L'État garantit-il la liberté religieuse, ou bien l’utilise-t-il comme arme de conquête ? Et surtout : l’Église, notre mère, saura-t-elle un jour défendre ses enfants abandonnés en Papouasie ?


Une lutte existentielle

Nous, militants papous, n’avons pas le luxe de l’indifférence. Il ne s’agit pas d’un débat religieux ou identitaire abstrait, mais d’un combat existentiel. Il en va de notre survie en tant que peuple, de notre dignité en tant qu’êtres humains, de notre foi en tant que chrétiens. Et nous le disons avec force : la Papouasie ne sera pas soumise. Ni par les armes. Ni par la religion.

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