Markus Haluk : "La Papouasie n'est pas un terrain vague !"
Markus Haluk, directeur exécutif de l'ULMWP |
Dans ce bref aperçu, j'aimerais vous présenter l'histoire de la nation papoue, tout en dénonçant les faits terrifiants de l'occupation indonésienne :
Les Mélanésiens vivent en Papouasie depuis plus de cinquante mille ans. Bien qu'éloignés des grandes civilisations, leur existence était connue du monde antique. Le géographe gréco-romain Claude Ptolémée désignait l'île de Papouasie sous le nom de Labadios.
Aux XVIe et XVIIe siècles, grâce à la production d'épices, notamment de muscade, l'extrême occidentale de la Papouasie devint une zone commerciale prospère. Cette région fut longtemps convoitée par les sultans moluquois de Ternate et de Tidore, puis par des marchands européens comme les Portugais et les Espagnols.
Les Pays-Bas ont revendiqué la Papouasie occidentale comme leur colonie en 1828. Cette revendication a été marquée par la construction d'une forteresse appelée Du Bus, dans la baie d'Etna, au pied du mont Lamentjiri Kaimana. Cependant, les activités des hollandais tout au long du XIXème siècle ne se limitèrent qu'à l'exploration et à la recherche.
En fait, la colonisation n'a commencé qu'au début du 20e siècle. En 1910, les Hollandais ont construit Hollandia, aujourd'hui Jayapura, capitale de la Papouasie. L'administration des provinces Papouasiennes est réglementée à travers l'article 29 du Staatsblad en 1939. Cette année-là, le nombre d'indigènes papous recensés s'élevait à environ 420 000, hors les habitants des régions montagneuses, comme La-pago et Mee-Pago. Le nombre d'Européens et d'Asiatiques n'était que d'environ 7 000 personnes.
En 1949, la Papouasie fut déclarée province des Pays-Bas sous le nom de Nouvelle-Guinée néerlandaise. L'année suivante, la question de la décolonisation a commencé à être soulevée tant par les dirigeants néerlandais que par les intellectuels papous. Sous la direction du gouverneur Waardenburg, un plan de développement sur 20 ans a été élaboré en vue d'un transfert de souveraineté. Le 1er décembre 1961, avec l'approbation de la reine des Pays-Bas, la Papouasie à été déclarée indépendante.
Mais trois semaines plus tard, l'Indonésie voisine, soutenue par l'URSS, envahit la Papouasie. Craignant une escalade du conflit, les États-Unis firent pression sur les Pays-Bas pour qu'ils confient l'administration de leur ancienne colonie à l'ONU. En août 1962, à New York, un accord fut signé entre l'Indonésie, les Pays-Bas et les États-Unis. Il prévoyait que la Papouasie soit placée sous la tutelle de l'Autorité exécutive temporaire des Nations unies (UNTEA).
Le 1er mai 1963, l'UNTEA a remis son mandat à l'Indonésie. Un référendum a été organisé au cours de l'été 1969 pour déterminer si les Papous souhaitaient l'indépendance ou le rattachement à l'Indonésie. Cette année-là, la population papoue était estimée à environ 870 000 personnes, tandis que la population non papoue s'élevait à 10 000 personnes.
Mais, étonnamment, seuls 1 025 Papous, choisis par le gouvernement indonésien, ont été autorisés à participer à ce soi-disant "référendum". Sous la pression de l'armée indonésienne, ces représentants papous ont tous voté en faveur du rattachement à l'Indonésie. C'est ce qu'on a appelé l'Acte de libre choix ou PEPERA. En 1971, la Papouasie a été déclarée province indonésienne.
Jusqu'à sa chute en mai 1998, le gouvernement de Suharto a lancé un certain nombre d'opérations militaires qui ont entraîné la mort de centaines de milliers de Papous. Les fonds obtenus de la Banque mondiale pour le développement de la Papouasie ont été détournés pour financer le programme de transmigration, qui n'était rien d'autre qu'une installation massive d'Indonésiens à majorité musulmane en Papouasie à majorité chrétienne.
Le 21 novembre 2001, l'Indonésie, sous un nouveau régime plus démocratique que celui de Suharto, a accordé à la Papouasie le statut d'autonomie spéciale. Mais les Papous en paient le prix fort : sous couvert de projets de développement, les forêts sont abattues, les économies traditionnelles sont détruites et les Papous autochtones sont devenus des étrangers dans leur propre pays. Aujourd'hui, ils ne représentent pas plus de 50 % de la population totale de la Papouasie.
A l'évidence, la division de la province de Papouasie, réalisée il y a un an, n'est rien d'autre qu'une stratégie du gouvernement indonésien visant à diviser les Papous pour mieux les assujettir. En effet, ces nouvelles provinces sont synonymes de nouvelles zones militarisées, de nouveaux projets gouvernementaux et de déplacement forcé des populations autochtones.
C'est un fait indiscutable : les Papous en Indonésie sont de plus en plus marginalisés. Ils font l'objet d'une discrimination raciale et le passé dirige vers un nettoyage ethnique ! Je n'exagère pas : aujourd'hui, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, pays indépendant, il y a plus de 8 millions de Papous indigènes. Mais en Papouasie occidentale, contrôlée par l'Indonésie, ils ne sont que 2,5 millions.
Je voudrais enfin souligner que la Papouasie n'est pas un terrain vague. Elle n'appartient pas aux capitalistes, aux élites militaires et politiques. La Papouasie est la terre des Papous. Ses richesses appartiennent au peuple mélanésien.
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