Les militants papous ne sont pas communistes — ils sont anticoloniaux !

Poing levé, drapeau rouge : ce que disent vraiment les symboles « communistes » du mouvement papou

Par-delà les fantasmes sécuritaires et les procès en sorcellerie idéologique, un autre récit s’impose : celui d’un peuple qui détourne les signes pour signifier sa propre libération.

Parmi les accusations favorites des propagandistes indonésiens à l’encontre du mouvement indépendantiste papou figure celle d’une supposée sympathie pour le communisme. Drapeaux rouges, étoiles solitaires, poings levés, casquettes maoïstes : autant de symboles qui provoquent l’urticaire dans une République d’Indonésie historiquement traumatisée par l’écrasement sanglant du Parti communiste en 1965. À Jakarta comme dans les cercles militaires, la logique est simple : qui lève le poing est un ennemi de la nation.

Mais cette lecture relève d’une mauvaise foi caractéristique des régimes autoritaires : instrumentaliser la peur du communisme pour disqualifier toute résistance, toute dissidence, toute contestation.


Détournement des signes, pas adhésion idéologique

Comme l’a récemment rappelé Markus Haluk, figure majeure du mouvement de libération nationale de Papouasie occidentale, les symboles dits « communistes » sont des moyens d’expression, pas des affiliations idéologiques. « Jusqu’à présent, je ne pense pas que nous ayons quoi que ce soit à voir avec le communisme », affirme-t-il. « Ces gestes et ces symboles expriment simplement notre détermination à résister jusqu’au bout au colonialisme indonésien et au capitalisme mondial. »

En d’autres termes, la jeunesse papoue adopte ces codes comme des armes visuelles dans une guerre de représentation. Ils ne signalent pas une adhésion à une doctrine, mais la colère d’un peuple écrasé, nié, relégué à l’extrémité de la République. Là où l’Indonésie brandit le Pancasila comme rempart contre tout pluralisme politique, les Papous inventent leur propre grammaire visuelle de la révolte.


Résister au capitalisme racial

Ce que Jakarta appelle « communisme », c’est en réalité une contestation du capitalisme racial qui structure la colonisation de la Papouasie. Les symboles rouges, loin d’être l’expression d’un marxisme orthodoxe, sont les échos visuels d’un rejet viscéral de l’ordre colonial, de la militarisation des territoires, de la spoliation des ressources et de l’humiliation quotidienne. Ce n’est pas un manifeste du prolétariat international qui anime les jeunes papous, mais une rébellion contre la dépossession ontologique que leur inflige l’État indonésien.

Dans ce sens, l’analogie visuelle avec d’autres mouvements décoloniaux (les zapatistes, les Black Panthers, les guérillas africaines) est plus pertinente que le procès en communisme brandi par les services de renseignement. Il ne s’agit pas d’une idéologie importée, mais d’une esthétique insurgée, façonnée localement.


Une citoyenneté papoue ouverte

Plus encore, Haluk désamorce les accusations de racisme ou d’ethno-nationalisme. À rebours des fantasmes de purification ethnique que certains imputent aux indépendantistes, il affirme : « Une fois notre indépendance acquise, nous donnerons la possibilité aux étrangers, notamment aux Indonésiens vivant en Papouasie, de devenir des citoyens papous. À condition qu'ils s'engagent à respecter les valeurs de l'État papou. » La déclaration est cruciale : elle désigne un projet politique fondé non sur le sang ou l’ethnie, mais sur l’adhésion aux principes d’un État émancipé.

C’est là que la peur du communisme joue le rôle d’un écran. Elle empêche de voir que la lutte papoue est fondamentalement une lutte pour la dignité, pour la souveraineté populaire, pour la possibilité d’un État fondé sur la mémoire des blessures, et non sur la reproduction coloniale de la violence.


Le rouge des damnés

Le rouge des drapeaux papous n’est pas celui du Komintern. C’est le rouge des blessures ouvertes, des terres pillées, des corps mutilés. C’est la couleur du sang versé, non pour une utopie lointaine, mais pour un présent qui tarde à venir.

Accuser les Papous de communisme, c’est une manière de ne pas entendre ce qu’ils disent vraiment : « Nous voulons être libres. Et si nos poings se lèvent, ce n’est pas pour imposer une doctrine. C’est pour exister, enfin. »

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