Les Papous en lutte pour leur indépendance
Aujourd'hui, les affrontements entre la TPNPB (Armée de libération nationale de la Papouasie occidentale) et la TNI (Armée nationale indonésienne) sont fréquents, notamment dans les régions de Nduga, Intan Jaya, Puncak Papua, Puncak Jaya, Maybrat, Yahukimo et les monts Bintang. La presse indonésienne rend souvent compte de ces escarmouches pour faire l'éloge des militaires indonésiens en tant que héros, tout en méprisant les guérilleros papous comme des bandits. Quant aux Papous qui luttent pacifiquement pour leur indépendance, ils sont considérés comme des traîtres à la solde des étrangers.
Afin de contrer ces récits déformés, je voudrais vous présenter la brève histoire de la lutte des Papous pour leur indépendance :
Cette lutte a commencé dans les années 1950, lorsque plusieurs dirigeants papous ont réclamé l'indépendance au gouvernement colonial néerlandais. Au cours de cette même période, de nombreux partis politiques papous ont vu le jour.
Le 19 octobre 1961, toujours sous l'occupation néerlandaise, le parlement de la Nouvelle-Guinée néerlandaise (Niew Guinea Rad) a défini les bases de la nation papoue émergente, à savoir :
- L'hymne national : Ô ma terre Papouasie
- Emblème de l'État : l'oiseau Mambruk
- Monnaie : Florin
- Drapeau : Étoile du matin
- Nom de la nation : Papouasie
- Nom du territoire : Papouasie occidentale
Le 1er décembre 1961, avec l'accord de la reine des Pays-Bas, l'indépendance a été proclamée pour l'ensemble du territoire de la Papouasie occidentale. La lutte des Papous contre le colonialisme néerlandais a été gagnée de manière non-violente, sans effusion de sang !
Mais trois semaines plus tard, l'Indonésie voisine envahit le territoire. Celle-ci met brutalement fin à la décolonisation initiée par les Pays-Bas, au profit d'une annexion par l'Indonésie. En août 1962, à New York, un accord est signé entre les Pays-Bas, l'Indonésie et les États-Unis. Il prévoit la tutelle de la Papouasie occidentale à l'ONU. Cet accord a été conclu en vue d'un futur référendum visant à déterminer si les Papous souhaitaient l'indépendance ou le maintien dans le giron de l'Indonésie. Le 1er mai 1963, l'ONU remet son mandat à l'Indonésie : c'est le début de l'occupation indonésienne.
Inquiet des exactions aggravées de l'armée indonésienne, Eliezer Y. Bonai, alors gouverneur de la Papouasie occidentale, demande à l'UNTEA (United Nations Temporary Executive Authority) d'accélérer le référendum en mai 1964. Les militaires indonésiens ont aussitôt arrêté Bonai et l'ont ensuite placé dans un camp. Cet incident malheureux n'a cependant pas découragé les indépendantistes papous de revendiquer leurs droits.
En juillet 1965, à Manokwari : Terry Aronggear, Barent et Lodewik Mandacan, Feri et Permenas Awom organisent une manifestation pacifique contre les atrocités et les pillages commis par les militaires indonésiens. Malheureusement, ce rassemblement a dégénéré : 2 Indonésiens ont été gravement blessés. En représailles, l'armée indonésienne a tiré sans discrimination sur les manifestants. Ce jour-là, entre 1000 et 2000 Papous ont été tués. Exaspérés, certains choisissent de prendre les armes pour combattre l'armée indonésienne. C'est la naissance de la branche armée de l'Organisation de la Papouasie libre (OPM).
Au cours de l'été 1969, l'Indonésie remporte le référendum truqué appelé Assemblée consultative du peuple (PEPERA) : La Papouasie est désormais annexée à l'Indonésie ! En réponse à cette mascarade politique, Jacob Pray et plusieurs autres notables papous ont déclaré la création de l'État de Papouasie au fort de Victoria Waris - aujourd'hui appelé Keerom Regency.
Dans les années 1970, la lutte non-violente des Papous s'exprimait principalement par la musique, avec les Black Brothers et les Mambesak. À la suite d'intimidations, les Black Brothers ont été contraints de s'exiler aux Pays-Bas. Il en va de même pour les Mambesak. Le chanteur Arnold Ap a été assassiné en 1984 par les troupes d'élite indonésiennes, appelées à l'époque Kopasanda, aujourd'hui Kopassus.
À la fin des années 1980, la lutte pour l'indépendance de la Papouasie a été menée principalement par le Dr Tom Wainggai. Il a proclamé la Mélanésie occidentale en 1988. Le gouvernement indonésien, alors dirigé par le général Suharto, réagit vivement en arrêtant plusieurs centaines de militants papous, dont le Dr Wainggai. En 1996, ce dernier est retrouvé mort dans la prison de Cipinang Jakarta.
Pendant la réforme démocratique indonésienne, de 1999 à 2001, Tom Beanal et Theys Eluay ont pris la tête du mouvement indépendantiste Papou. Ils se sont concentrés sur le dialogue avec le gouvernement indonésien et le lobbying auprès des organismes internationaux. En novembre 2001, Theys Eluay, alors président du présidium du conseil papou, a été kidnappé puis assassiné par les troupes d'élite indonésiennes Kopassus.
En octobre 2011, lors du troisième congrès papou, la République fédérale de Papouasie occidentale est proclamée par Forkorus Yaboisembut et Edison Waromi. Accusés de trahison, Forkorus et Edison, ainsi que 350 autres militants papous, ont été arrêtés par l'armée indonésienne. Quatre d'entre eux ont été abattus sur place.
En regardant l'histoire, on s'aperçoit qu'à chaque fois qu'un mouvement d'indépendance papou naisse, le gouvernement indonésien tente de le faire taire immédiatement. L'attitude du gouvernement colonial indonésien est très surprenante par rapport à celle du gouvernement colonial Néerlandais. En effet, ce dernier n'a tué les leaders indépendantistes indonésiens tels que Sukarno et Hatta.
En décembre 2014, des activistes papous ont tenté une nouvelle fois d'unir leurs forces. Depuis Port Villa au Vanuatu, ils ont créé le Mouvement uni de libération de la Papouasie occidentale, l'ULMWP. Octovianus Mote et Benny Wenda ont été élus à la tête de cette organisation, reconnue comme membre de l'Union Mélanésienne ou le Melanesian Spearhead Group (MSG).
Malgré les atrocités commises par le régime colonial indonésien, le peuple papou reste déterminé à lutter dignement et pacifiquement pour son indépendance. Il est temps que la communauté internationale, à commencer par la Mélanésie, le Pacifique, l'Afrique et les Caraïbes, se mobilise pour soutenir les papous.
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