Markus Haluk : Le Prophète de la Liberté Papoue
Markus Haluk, directeur exécutif de l'ULMWP |
« Je veux être pasteur non seulement pour les catholiques, mais pour tous les Papous ! »
C’est par ces mots que Markus Haluk annonçait, en 2004, sa décision de quitter le séminaire. Il renonçait à la prêtrise, non par manque de foi, mais parce qu’il ressentait un appel plus vaste : celui de consacrer sa vie à la libération de son peuple.
À l’image de Moïse guidant les Hébreux hors d’Égypte, Markus se voyait comme le berger d’un peuple opprimé, les Papous, pris au piège depuis plus d’un demi-siècle sous la domination indonésienne.
Né en 1980 à Pugima, dans la vallée de Baliem, au cœur de la Papouasie, Markus est le benjamin d’une famille enracinée dans la culture Hubula. Son père, Hakhowok Yogotak Haluk, était un chef tribal respecté. Sa mère, Laluge Itlay, se souvient de sa naissance un dimanche après la messe, vers midi — un détail qui symbolise déjà l’alliance entre tradition et christianisme dans sa trajectoire. Dès l’enfance, il est confronté à la violence coloniale : les soldats indonésiens torturent et assassinent devant ses yeux. Cette violence forge en lui une conscience politique précoce.
Encouragé par le père Frans Lieshout, franciscain hollandais, il poursuit ses études de théologie à Jayapura. Mais la vocation religieuse se mue rapidement en mission politique : être la voix des sans-voix, le témoin engagé des souffrances papoues.
La Papouasie occidentale, annexée illégalement par l’Indonésie en 1963 avec la complicité des grandes puissances, est devenue le théâtre d’un génocide silencieux. Les Papous, qui représentaient 90 % de la population à l’époque, ne forment aujourd’hui plus que la moitié des habitants de leur propre territoire. À cela s’ajoute un écocide dévastateur : exploitation minière, déforestation massive, accaparement des terres. Markus dénonce ces crimes avec les mots justes : « génocide et écocide ».
Mais contrairement à certains groupes qui prônent la lutte armée, Markus incarne un combat radicalement non-violent. Directeur exécutif du Mouvement Uni pour la Libération de la Papouasie Occidentale (ULMWP), il fait de la résistance civile une arme pacifique et profondément enracinée dans la culture papoue. Il rappelle que dès 1940, bien avant l’arrivée des Indonésiens, des milliers de Papous avaient désobéi aux colonisateurs hollandais par des chants, des danses, et des refus d’impôts.
Son engagement s’inspire du message évangélique : « Tout ce que vous avez fait pour l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25:40). Ce verset devient le fondement d’une théologie de la libération adaptée à la Papouasie : ne rien faire, c’est choisir le camp de l’oppresseur.
Markus milite aussi pour la mémoire : il refuse l’amnésie imposée par Jakarta. Il documente les violences, recueille les témoignages, et exhorte son peuple à se réapproprier ses traditions et son histoire. Le récit national indonésien, basé sur une « mission civilisatrice » hypocrite, est pour lui une imposture. Il salue le courage des Papous, ainsi que celui des Indonésiens qui, en 2016, ont signé une pétition rassemblant 1,8 million de voix pour contester le référendum frauduleux de 1969
Malgré la répression, les arrestations, les menaces, Markus persiste. Il a vu son camarade Victor Yeimo emprisonné pour « trahison », et lui-même a été détenu à plusieurs reprises. Pourtant, il ne fléchit pas. Son rêve reste intact : une Papouasie indépendante, écologiquement durable, éduquée, égalitaire, pacifique. « La Papouasie libre sera un modèle de résistance verte et non-violente. Elle ne pactisera jamais avec les multinationales destructrices. »
Aujourd’hui, Markus Haluk est bien plus qu’un militant. Il est le visage spirituel, politique et moral de tout un peuple en quête de justice. Entre les forêts ancestrales, les chants sacrés, les plaies de la colonisation et les promesses d’émancipation, il marche — avec une foi inébranlable, un regard d’espérance, et une voix que rien ne pourra réduire au silence.
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