Quelle autonomie spéciale pour les Papous ?

En mai 1998, l'Indonésie traversait une crise politique et économique sans précédent. À la suite de la crise financière asiatique survenue quelques mois plus tôt, les prix des denrées alimentaires ont fortement augmenté. Des manifestations, des émeutes et des pillages ont lieu dans de nombreuses villes. La capitale Jakarta fut plongée dans le chaos. Dépassé par les événements, le général Suharto, qui avait dirigé le pays d'une main de fer pendant 32 ans, a finalement été contraint de démissionner.

Son successeur, le président BJ Habibie, a aussitôt mis en œuvre des réformes. Des espaces démocratiques auparavant fermés ont commencé à se rouvrir. Le Timor oriental, colonie indonésienne depuis 1975, a obtenu son indépendance par référendum en 1999. Parallèlement, la Papouasie, vaste province annexée par l'Indonésie en 1969, cherche également à obtenir son indépendance.

Pendant toute une année, entre 1998 et 1999, les Papous sont descendus dans la rue. Ils ont dénoncé les violences perpétrées par le régime militaire indonésien. Les cris de "Papua Merdeka !" ont retenti dans toute la Papouasie. Mais l'Indonésie n'était pas prête à lâcher sa dernière colonie, car celle-ci regorge de richesses naturelles. La Papouasie est d'ailleurs la première contributrice au budget national. Ceci notamment grâce à ses mines d'or et de cuivre, les troisièmes au monde !

Afin d'atténuer le sentiment indépendantiste papou, le gouvernement indonésien, sous la présidence de Megawati, a accordé fin 2001 une autonomie spéciale à la Papouasie, connue sous le nom d'OTSUS. En théorie, cela implique que l'Indonésie poursuive une politique préférentielle visant à protéger les intérêts des Papous indigènes et à leur donner les moyens d'agir. En réparation de quarante années de violences et d'abus, Jakarta entend développer la Papouasie pour le bien-être de sa population.

Cependant, tout comme l'enfer est pavé de bonnes intentions, l'autonomie spéciale initiée par Jakarta a apporté de nombreux malheurs aux Papous. En effet, des projets de développement n'ont guère profité à la population locale. Des autoroutes ont été construites uniquement pour la logistique des militaires et des entreprises. Le développement de l'agriculture moderne a fait disparaître des milliers d'hectares de forêt. Les Papous autochtones ne peuvent plus vivre dans leur habitat d'origine et sont contraints de quitter leurs terres ancestrales. Les prêts bancaires sont facilement accordés aux entrepreneurs indonésiens, mais pas aux Papous, même s'ils sont propriétaires terriens.

Au cours des vingt années d'existence de l'OTSUS, les atrocités commises par l'appareil militaire et étatique se sont poursuivies. Les étudiants, les journalistes, les avocats et les hommes politiques défendant la cause indépendantiste ont été intimidés. Il en va de même pour les fonctionnaires papous travaillant pour le gouvernement indonésien. Plusieurs d'entre eux sont morts mystérieusement de "crises cardiaques". 

Le nombre de soldats et de policiers a fortement augmenté, tout comme le nombre de migrants indonésiens en Papouasie. En 1959, le nombre d'Indonésiens en Papouasie était de 2 %, en 1971 de 4 % et en 2011 de 48 % ! Ces cinq dernières années, sous la présidence de Joko Widodo, le racisme anti-papou a augmenté, notamment sur les réseaux sociaux. Les influenceurs et les médias payés par le régime aiment ridiculiser les Papous. 

Au vu de ces faits, il est clair pour moi que l'autonomie spéciale en Papouasie est un échec ! J'appelle donc la communauté internationale à cesser tout soutien financier et politique à la mise en œuvre de ce projet. Pour la énième fois, je tiens à vous avertir que les papous sont en grand danger ! L'Indonésie n'est pas leur avenir. Les Nations unies doivent donner au peuple papou la possibilité de déterminer son propre destin, d'être indépendant et souverain !


Markus Haluk, directeur exécutif de l'ULMWP



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