Un berger pour un peuple en lutte

En 2004, à la sortie du séminaire de Jayapura, j’ai pris une décision que peu auraient osé prendre
Mon cœur était clair : je ne pouvais pas me contenter d’être un pasteur dans les murs d’une église. Alors je suis allé voir Mgr Léo Laba Ladjar, OFM, l’évêque de Jayapura, et je lui ai dit sans détour :

« Monseigneur, je veux être pasteur… mais pas seulement pour les catholiques. Je veux l’être pour tous les Papous, en particulier ceux qui manifestent dans les rues pour leur liberté. »

Il m’a regardé un instant, puis a souri avec cette bienveillance profonde qui le caractérisait. « Garde toujours la lumière et le sel sur ton chemin, m’a-t-il dit. Que Dieu te conduise. »

Je suis ensuite allé voir le Père Frans Lieshout, OFM — celui que je considère comme mon père spirituel et adoptif. Je lui ai parlé de mon choix. Il m’a répondu simplement, mais avec une chaleur inoubliable :
« Mon fils, sois un berger pour ton peuple. Ton père est fier de toi. »

Alors j’ai quitté le séminaire. Et je suis descendu dans la rue.

De ville en ville, en Papouasie comme ailleurs en Indonésie, j’ai rejoint les jeunes qui rêvaient d’un autre avenir. J’ai animé des discussions, organisé des séminaires, éveillé des consciences. Ensemble, nous avons semé les graines de la résistance non-violente.

J’ai participé à la fondation de plusieurs mouvements politiques, dont le KNPB (Comité national de Papouasie occidentale) et l’AMPTPI (Association des étudiants de la Papouasie des Hautes montagnes). Nous avons organisé des manifestations pacifiques pour dénoncer les atrocités commises contre notre peuple, mais aussi les crimes écologiques perpétrés par des multinationales, notamment Freeport McMoRan, cette entreprise américaine qui exploite sans vergogne les mines d’or et de cuivre de Grasberg — les troisièmes plus grandes réserves au monde.

Bien sûr, cet engagement a eu un prix.

J’ai reçu des menaces. J’ai été arrêté, interrogé, malmené. Et plusieurs fois, on a tenté de me tuer. Des motos fonçant sur moi dans l’ombre. Des accidents qui n’avaient rien de fortuit. Mais jamais je n’ai plié.

Depuis 2011, je me consacre à une mission plus vaste encore : l’unité du peuple papou. Je suis allé à la rencontre de notre diaspora, de Paris à Canberra, de Londres à Port-Vila. Ensemble, nous avons construit un front diplomatique, fait entendre la voix de notre peuple dans les couloirs du pouvoir international. C’est de cette dynamique qu’est né l’ULMWP — le Mouvement Uni de Libération de la Papouasie Occidentale.

Aujourd’hui, alors que notre président Benny Wenda vit en exil au Royaume-Uni, j’ai l’honneur et la responsabilité d’assurer la direction exécutive de l’ULMWP, ici, sur notre terre.

Je suis toujours ce pasteur. Mais un pasteur sans mur, sans barrière. Un berger qui marche aux côtés de son peuple. Un homme debout, au cœur battant de la lutte pour notre liberté.



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