Victor Yeimo, le cri d’un peuple réduit au silence

Victor Yeimo, porte parole du Comité National de la Papouasie occidentale (KNPB)

C’était le 16 août 2019. La chaleur de Surabaya collait aux murs, et dans une maison étudiante, des cris fusaient. Pas des cris de fête. Pas des cris de joie. Mais des cris de haine

Des policiers et des milices pro-gouvernementales venaient d’envahir un dortoir occupé par des étudiants papous. Ils avaient forcé les portes, lancé des insultes. Ils avaient crié : "Singe ! Rentrez chez vous, singes !"

Ce fut une gifle. Non pas seulement pour ceux qui l'ont reçue, mais pour toute une nation. Une gifle en pleine figure de la dignité papoue.

Le lendemain, la Papouasie s’est levée. D’abord Jayapura. Puis Manokwari. Wamena. Sorong. Les rues ont tremblé sous les pas de ceux qui criaient “Nous ne sommes pas des singes ! Nous sommes Papous !”

Et sur la terrasse du Parlement de Papouasie, devant des milliers de personnes rassemblées, un homme a pris la parole. Un trentenaire au regard déterminé, à la voix tremblante d’émotion, mais ferme comme un roc.

C’était Victor Yeimo. Porte-parole du Comité National de la Papouasie Occidentale (KNPB).

Ce jour-là, il ne s’est pas contenté de dénoncer le racisme. Il a réclamé, haut et fort, ce que son peuple attend depuis des décennies : la liberté.

Je connais bien Victor.

Il est originaire de Paniai, une terre meurtrie, à l’ouest des montagnes. Depuis l’enfance, il a vu de ses yeux les militaires traquer, humilier, tuer. Cela ne l’a pas brisé. Cela l’a forgé.

Victor est un homme droit. Un frère. Un camarade de lutte. Intelligent, d’une rare clarté d’esprit.

Il aurait pu rester à Java après ses études universitaires, chercher un avenir plus sûr. Mais il a préféré rentrer chez lui. Il a préféré se battre, non avec des armes, mais avec sa parole. Sa voix est son arme. Son amour pour la Papouasie, son armure.

En 2008, avec Buchtar Tabuni, Sebby Sambom et moi-même, nous avons fondé le KNPB. Un organe de résistance civile, un mouvement de jeunesse, une promesse faite à nos ancêtres : nous n’oublierons jamais.

Depuis, Victor n’a cessé d’être traqué. Il a été arrêté, emprisonné, humilié. En 2021, on l’a accusé de trahison, comme on accuse un arbre de vouloir rester debout.

Son procès a duré deux ans. Une farce. Une justice à genoux devant le pouvoir militaire. Il a été condamné. Mais pas brisé.

À mes yeux, Victor est plus qu’un militant. Il est un symbole.

Le symbole de ce que l’Indonésie refuse de voir : que les Papous sont humains, debout, dignes, et libres dans leur âme.

Le symbole de la jeunesse papoue qui ne baisse plus les yeux.

Tant que Victor parlera, la Papouasie ne se taira pas.

Et même s’ils le réduisent au silence, sa voix résonnera en chacun de nous. Parce qu’un peuple qu’on veut faire taire finit toujours par crier plus fort.


Markus Haluk 

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