Papouasie : le racisme qui tue, l’ignorance qui justifie

Les ignorants ont toujours peur de ce qu’ils ne comprennent pas. Mais au lieu de chercher à comprendre, ils préfèrent juger

C’est plus simple, plus confortable. Ils fabriquent des préjugés à la mesure de leur propre petitesse intellectuelle.

C’est exactement ce que vivent les Papous dans cette "grande nation" qu’est censée être l’Indonésie.

Aux yeux de trop d’Indonésiens, nous Papous ne sommes rien de plus que des créatures bizarres, primitives, arriérées. Des gens à civiliser, à contrôler, à surveiller, à corriger. Ce mépris n’est pas accidentel : il est enseigné, transmis, répété depuis des générations. Il est devenu une habitude nationale. Un réflexe colonial.

Et pour déraciner ce cancer, il ne suffit pas de discours. Il faut du courage. De l’honnêteté. De la rage. Parce qu’en Indonésie, le racisme antinoir, le racisme antipapou, est un sujet interdit. Un tabou. Une ligne rouge.

L’État indonésien nie tout en bloc. Aucune discrimination systémique, dit-il. Aucune oppression raciale. Rien à voir ici, circulez. Et pourtant, les faits sont là, criants, accablants. Les Papous sont arrêtés, torturés, tués pour avoir manifesté. Pour avoir parlé. Pour avoir osé exister.

Victor Yeimo, l’un des visages du combat antiraciste en Papouasie, croupit en prison. Son "crime" ? Avoir dénoncé l’apartheid que subissent les Papous dans leur propre terre. Comme d’autres, il est accusé de trahison, de trouble à l’ordre public. La vérité, en Indonésie, est une offense. La justice, un luxe réservé à ceux qui se taisent.

Pendant ce temps, à Wamena, les peuples autochtones manifestent. Pourquoi ? Parce que l’État veut y implanter un nouveau bureau du gouverneur à Molama. Un projet soi-disant approuvé par la communauté. Quelle communauté ? Quelques chefs autoproclamés, grassement achetés pour signer ce que Jakarta leur met sous le nez.

Le reste ? Les vrais habitants ? Les gardiens des terres ancestrales ? Ils n'ont ni été consultés, ni écoutés. Ils n’ont aucune raison de sacrifier leur terre, leur mémoire, leur culture, pour un projet grotesque de béton et d’administration coloniale. Ce n’est pas du développement. C’est du pillage.

Et cela montre une chose : l’Indonésie n’a aucun respect pour les coutumes, les lois, ni même l’humanité des Papous.

Il y a quelques jours, lors d’un événement littéraire à Jakarta, un prêtre indonésien m’a posé une question que beaucoup évitent : "Y a-t-il encore un espoir de réconciliation et de justice en Papouasie ?"

Je lui ai répondu sans détour :

"Non. Il n’y a plus d’espoir. Après 60 ans d’occupation, l’avenir des Papous avec l’Indonésie est une impasse. Nous allons disparaître. C’est une certitude. Et toutes les données, toutes les études, tous les rapports le confirment. Le programme d’autonomie spéciale, les nouvelles provinces, les infrastructures imposées… Tout cela n’est qu’une machine bien huilée pour accélérer notre anéantissement. J’en prends l’entière responsabilité. Et tout est écrit, noir sur blanc, dans les livres que j’ai publiés."

Vous appelez cela l’unité ? Nous appelons cela la mort.

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