Si je dois mourir, que mes écrits me survivent

Après le grand soulèvement populaire d’août 2019, l’État colonial s’est déchaîné : rafles, arrestations, intimidations. 

Comme à son habitude, la République d’Indonésie a traité les cris de justice du peuple papou avec des balles, des matraques, et des procès bidons. Un soir, alors que je rentrais chez moi, des hommes armés, sans uniforme, m’ont pris en filature. Ils m’ont menacé. Pas un mot. Juste des regards. Des regards de mort.

C’est ce soir-là que j’ai compris : en tant que militant indépendantiste papou, je peux mourir n’importe quand. Pas demain, pas après-demain. Ce soir-même. Et alors, une pensée simple m’est venue : si je tombe, qui portera notre voix ? Qui racontera notre histoire ? Alors j’ai pris un stylo. Pas une arme. Pas une pierre. Un stylo.

J’ai écrit. Écrit tout ce que j’avais vu, vécu, entendu, respiré. Vingt ans de luttes, de larmes, d’humiliations, de prières, de marches sous le soleil brûlant de la colonisation. J’ai aussi raconté les actions héroïques de mes frères et sœurs : ceux d’ici, ceux de là-bas, ceux en exil. Ce peuple papou qu’on veut faire disparaître, mais qui refuse de plier.

Les pages se sont accumulées, comme les cicatrices de notre histoire. D’abord dix-sept catégories. Puis j’ai réduit. Cinq volumes. Cinq cris de vérité :


1. Le retour de la Papouasie occidentale au foyer mélanésien

Histoire politique, naissance de l’ULMWP, droit à l’autodétermination. Non, l’Indonésie ne nous a jamais conquis. Elle nous a avalés. Nous sommes le caillou dans sa gorge.


2. Les droits de l’homme en Papouasie occidentale

Autonomie spéciale ? Une farce coloniale. Voici la chronique détaillée d’un échec programmé.


3. Avec Dieu, nous vaincrons

Parce que oui, Dieu est papou. Et il ne tolère pas le racisme d’État, les villages brûlés et les enfants torturés.


4. Un four commun dans la maison papoue

Un hommage à notre sagesse, notre culture, notre humanité. Nous ne sommes pas des "primitifs", mais une nation millénaire.


5. Crimes contre l’humanité et désastre écologique par FREEPORT.

Quand une multinationale et une armée coloniale s’unissent, cela donne un enfer nommé Degeuwo Paniai.

Et devinez quoi ? Certains intellectuels indonésiens ont osé lire. Ils n’en sont pas morts. Au contraire, ils ont remercié. Peut-être qu’un jour, le monde entier pourra lire aussi. Pour l’instant, ces livres ne sont qu’en indonésien. Mais je travaille à les traduire. En anglais. En français. En mélanésien si besoin.

Tant que le soleil se lève sur les montagnes enneigées de notre terre sacrée, je continuerai d’écrire. Ora et labora. Et surtout, Papua Merdeka !

Comments