L'hypocrisie des puissances et la marchandisation des conflits : l'exemple criant de la Papouasie occidentale
Le déclenchement de la guerre en Ukraine aurait dû servir de catalyseur pour une réforme globale des mécanismes de résolution pacifique des conflits.
Il n’en a rien été. Au contraire, cette guerre a été l’occasion d’un renforcement sans précédent du commerce mondial des armes, véritable moteur caché de l’économie capitaliste internationale.
Pendant que les puissances occidentales dénoncent les violations du droit international en Europe, elles ferment les yeux – voire alimentent directement – des violences bien plus anciennes dans d'autres régions du monde, comme en Papouasie occidentale.
La guerre comme opportunité commerciale : les profits de l’industrie de l’armement
Dès la Première Guerre mondiale, l’industrie de l’armement a démontré sa capacité à tirer profit de toutes les situations, même les plus tragiques. L’exemple de Krupp, fabricant d’armes pour les deux camps, illustre cette logique cynique. Aujourd’hui, cette même logique se perpétue. Le conflit en Ukraine a relancé la militarisation de l’Europe et nourri une rhétorique belliqueuse dans la région Asie-Pacifique. La peur d’un conflit impliquant la Chine est devenue un prétexte pour justifier l’expansion militaire.
La France, qui se targue d’être une nation des droits de l’homme, n’a pas hésité à vendre pour plus de dix milliards d’euros d’armes à l’Indonésie. Pourtant, ce pays croule sous les dettes (408 milliards de dollars en 2023) et abrite plus de 26 millions de pauvres. Une partie du paiement de ces armes aurait même été réalisée en matières premières. Le business prime, l’éthique s’efface.
Militarisme, misère et propagande en Indonésie
Alors que les Indonésiens sont frappés par des licenciements massifs et la précarité, le gouvernement leur vend des illusions : une parade militaire, une exposition d’armements, une mise en scène grotesque d’une Indonésie devenue prétendument « superpuissance ». Cette manœuvre rappelle tristement les pratiques du régime nord-coréen. Elle sert à détourner l’attention populaire des échecs économiques et sociaux.
La France, complice de cette farce, préfère engranger les profits plutôt que d'interroger les implications morales de ses ventes. Les contribuables français, eux, ignorent souvent que leurs entreprises alimentent indirectement des régimes répressifs à travers le monde.
Un régime militaire à l’héritage sanglant
Depuis 1945, l’armée indonésienne a démontré sa brutalité à maintes reprises. Trois invasions militaires (Papouasie occidentale, Malaisie, Timor oriental), des massacres de masse (1965-1967), et un génocide silencieux au Timor oriental (200 000 morts entre 1975 et 1999). Ces faits, bien documentés par des historiens et des ONG (Kohen 2006 ; Robinson 2010), ne semblent pas dissuader ses partenaires commerciaux.
Aujourd’hui, le même scénario se répète en Papouasie occidentale. Des opérations militaires incessantes à Nduga, Intan Jaya, Puncak, Yahukimo, ou encore Maybrat, ont forcé des dizaines de milliers de Papous à fuir leurs villages. La communauté internationale détourne le regard. L’ONU reste paralysée. Pourquoi ? Parce que les puissants y trouvent leur compte.
La honte occidentale : droits de l’homme à géométrie variable
Le comble de l’hypocrisie réside dans la duplicité morale des pays fournisseurs d’armes. En public, ils dénoncent la répression en Birmanie ou la guerre en Ukraine. En privé, ils livrent des missiles, des avions de chasse et des chars aux régimes qui pratiquent la terreur d’État. Les fabricants d’armes français ont trouvé en l’Indonésie un client docile et peu regardant sur l’usage de ses jouets meurtriers.
Le consommateur d’armes n’est jamais libre. Il dépend du producteur pour la maintenance, la formation, les pièces de rechange. L’Indonésie se met ainsi sous tutelle occidentale tout en prétendant incarner une puissance régionale.
La résistance papoue : une voix qui dérange
Depuis 2014, le peuple papou, par l’intermédiaire du mouvement unie de la libération de la Papouasie occidentale, l’ULMWP, appelle à une reconnaissance internationale de son droit à l’autodétermination. Dans l’indifférence générale, il trouve un écho dans la région mélanésienne. L’ULMWP pourrait prochainement intégrer le Groupe Mélanésien Fer de Lance (MSG) comme membre à part entière – une avancée capitale qui donnerait au peuple papou une légitimité diplomatique.
L’Indonésie, membre associé du MSG, voit cette perspective comme une menace. Non pas parce que cela perturberait la paix, mais parce que cela briserait le récit qu’elle impose depuis des décennies : celui d’une Papouasie « intégrée », alors qu’elle est en réalité colonisée.
Vers une révolte morale ?
La Papouasie occidentale est une blessure ouverte dans la conscience mondiale. Elle est la preuve que les droits humains sont soumis à condition : celle de ne pas déranger les intérêts des puissants.
La France, en vendant ses armes à l’Indonésie, devient complice de cette tragédie. Elle ne peut plus feindre l’ignorance. C’est aux citoyens, aux intellectuels, aux mouvements sociaux de dénoncer cette complicité, de faire du boycott des armes un devoir moral, et de rendre leur voix au peuple papou. Car tant que l’on marchande avec les dictatures, la paix ne sera jamais qu’un slogan creux.
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