QUAND LES JEUNES PAPOUS S'EXPRIMENT POUR LA JUSTICE

Ambrosius Mulait (au centre), actuel président de l'AMPTPI

Le combat du peuple papou pour sa dignité, sa survie et son identité est porté avant tout par sa jeunesse.

Depuis près de vingt ans, l’Association des étudiants papous des hautes montagnes en Indonésie (AMPTPI) est la voix inébranlable de cette jeunesse, porteuse des rêves et des espoirs d’un peuple opprimé. Plus de 30 000 jeunes ont rejoint ce mouvement depuis sa création, le 15 octobre 2004.

À l’approche du 19e anniversaire de l’AMPTPI, j’ai rencontré Ambrosius Mulait, son président depuis 2021, pour entendre ce qu’il a à dire sur la lutte sans fin du peuple papou.


Qu’est-ce que l’AMPTPI ?


L’AMPTPI est avant tout une maison, un honai, un refuge pour les Papous, un espace de résistance et d’espoir. Ce n’est pas qu’une organisation étudiante : c’est le cœur battant de la jeunesse papoue, réunissant des jeunes des montagnes, des côtes, des villes, tous unis pour un avenir libre. L’AMPTPI prépare des leaders forts, capables de porter haut la voix des Papous dans un pays où, depuis 60 ans, ils sont réduits à l’état d’objets, jamais reconnus comme sujets de leur propre destin.

L’AMPTPI est un rempart contre la politique d’oppression de l’État indonésien, un cri incessant contre les violations des droits politiques, économiques, sociaux et culturels du peuple papou.


Pourquoi l’AMPTPI rejette-t-elle violemment le programme dit d’“autonomie spéciale” (OTSUS) de la Papouasie ?


Parce que depuis l’entrée brutale de l’Indonésie en Papouasie le 1er mai 1963, ce sont des décennies de souffrance, d’exploitation et de destruction que subit le peuple papou. Sous couvert de développement, ce sont les multinationales, comme PT Freeport Indonesia, qui s’enrichissent en pillant l’or et le cuivre des montagnes de Grasberg, tandis que les Papous n’en tirent aucun bénéfice. Leurs terres sacrées sont dévastées, leurs forêts détruites, leur environnement annihilé.

L’OTSUS n’est pas une solution. C’est une stratégie de colonisation, un habillage de la domination indonésienne. Après 21 ans, le constat est accablant : la Papouasie reste la région la plus pauvre d’Indonésie. La pauvreté explose, les infrastructures et les promesses de développement ne profitent pas aux Papous. L’éducation est en ruine, l’analphabétisme dépasse les 20 % dans certaines zones, la santé est déplorable, et la mortalité maternelle et infantile atteint des niveaux catastrophiques. L’espérance de vie est plus basse que partout ailleurs en Indonésie.

Pire encore, le VIH/sida se propage dangereusement, menaçant l’avenir même du peuple papou.

L’AMPTPI dénonce une politique mortifère, un système qui sacrifie le peuple papou sur l’autel des profits et du contrôle.

Sur le terrain, les violences sont terribles. Entre 2018 et 2023, les opérations militaires se sont multipliées dans des régions comme Nduga ou Intan Jaya, sous couvert de lutte contre le “terrorisme”. Arrestations arbitraires, tortures, exécutions sommaires : ce sont des crimes contre l’humanité. Le gouvernement indonésien ferme les yeux, tandis que ses officiels profèrent des insultes racistes d’une ignominie rare, traitant les Papous de singes, de terroristes, de “café au lait”. Ce langage n’est pas anodin. Il prépare le terrain pour un génocide, comme l’histoire l’a déjà tragiquement montré.


Vous dites que les Papous sont devenus étrangers chez eux ?


C’est une réalité cruelle. Neuf Papous sur dix n’ont aucun contrôle sur les richesses de leur terre. Les grandes compagnies sont aux mains d’étrangers et les colons occupent la plupart des commerces urbains et ruraux. L’autonomie promise n’est qu’une illusion, un leurre pour masquer la dépossession systématique.

Face à cela, l’AMPTPI ne baisse pas les bras. Depuis 2007, elle a organisé 78 conférences de presse, dénonçant les injustices et attirant l’attention du monde. Des membres courageux comme Dominikus Surabut ont même été reconnus par des organisations internationales pour leur lutte contre la torture et les violations des droits humains en Papouasie.

L’AMPTPI est aussi un acteur clé du Mouvement uni de libération de la Papouasie occidentale (ULMWP), la voix la plus forte du peuple papou sur la scène internationale.


Que penser de la loi Omnibus et de la politique du président Jokowi ?


C’est une agression supplémentaire. La loi facilite l’extension de la colonisation économique et démographique. Elle accélère la destruction de l’environnement, la déforestation, et permet aux capitalistes d’exploiter les richesses papoues sans entrave. Elle ouvre aussi la porte à plus de colons, toujours au détriment des Papous.

Face à ces menaces, l’AMPTPI agit, s’allie avec des ONG, mobilise les mouvements étudiants indonésiens, et alerte la communauté internationale. Mais les moyens sont limités. La répression, les expulsions forcées, la violence d’État sont toujours là, planquées derrière un silence médiatique assourdissant.

Malgré tout, la jeunesse papoue continue de résister avec une détermination farouche, porteur d’une flamme qui refuse de s’éteindre.


Merci à Ambrosius Mulait pour ce témoignage essentiel. Que cette parole forte serve à éveiller les consciences et à appeler le monde à ne plus fermer les yeux sur le drame de la Papouasie.

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