Violations des droits de l'homme en Papouasie : L'Église ne doit pas se taire !

À l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'homme, le 10 décembre 2020, 147 prêtres catholiques de Papouasie ont demandé à la Conférence épiscopale indonésienne d'accorder une attention particulière à la situation humanitaire désastreuse dans cette région.

Le même jour de l'année suivante, des étudiants catholiques papous ont manifesté devant l'ambassade du Vatican et le bureau de la Conférence des évêques indonésiens (KWI) à Jakarta. Ils ont présenté un certain nombre de demandes, dont la rétractation de la déclaration du cardinal Ignatius Suharyo affirmant son soutien au gouvernement indonésien en Papouasie, malgré les nombreuses violations des droits de l'homme, y compris l'assassinat extrajudiciaire de deux catéchistes papous.

Cela fait presque trois ans que cet appel a été lancé. Mais quelle a été la réaction des hauts responsables de l’Église ?

Ce matin, j'ai interrogé Ambrosius Mulait, responsable du front étudiant catholique papou, sur le cas du catéchiste Rufinus Tigau, abattu par l'armée indonésienne en 2020 à Intan Jaya. Déçu, Ambrosius m'a répondu : 

"Nous avons signalé cela à la Commission nationale des droits de l'homme ainsi qu'à l'Église catholique. Mais ils restent silencieux." 

(Après l'assassinat de Tigau, plusieurs évêques indonésiens, dont le cardinal Suharyo, chef de la KWI, auraient rencontré le ministre coordinateur des affaires politiques, juridiques et de sécurité, Mahfud MD. Et pourtant, on ne sait pas exactement ce qui a été discuté et il n'y a pas eu de suivi).

J'ai été déçu mais pas surpris, étant donné que les évêques indonésiens sont restés silencieux lorsque près de deux cent mille Timorais, majoritairement catholiques, ont été massacrés pendant l’occupation indonésienne du Timor Oriental (1975-1999). Nous ne pouvons pas non plus reprocher grand-chose à la Commission nationale des droits de l’homme. Cette dernière, bien qu'indépendante, est financée par le gouvernement indonésien.

Et le Saint-Siège ? L'actuel ambassadeur du Vatican à Jakarta semble être un partisan du gouvernement indonésien, dans la mesure où il aime vanter la fausse tolérance indonésienne et d'autres choses stupides qui ne paraissent bonnes qu'en surface. Le pape François devait se rendre en Indonésie en 2020 et sa présence était très attendue en Papouasie. Cependant, cela a été annulé en raison de la pandémie de Covid. Jusqu’à présent, rien n’indique que le pape François viendra en Indonésie. Il est décevant de constater que, durant son mandat de pape, François n'a jamais mentionné une seule fois le conflit sanglant en Papouasie !

Aujourd'hui, les opérations militaires s'intensifient dans cette province la plus orientale de l'Indonésie. Plus de 60 000 civils ont été déplacés au cours des cinq dernières années. La famine fait rage dans les montagnes de Papouasie centrale. 620 000 jeunes en âge d'être scolarisés ne vont pas à l'école. Malheureusement, malgré cette tragédie humaine, le cardinal de Jakarta persiste à manifester son soutien indéfectible à l'armée indonésienne. 

"La position officielle de l'Église catholique sur la question de la Papouasie est très claire : elle soutient la position du gouvernement (indonésien), car elle est garantie par le droit international", a déclaré ce prélat septuagénaire, connu pour être plus proche des généraux que des réfugiés de guerre.

La question est maintenant de savoir si les exécutions extrajudiciaires et l'accaparement des terres pour des projets de développement sont garantis par le droit international. Nous savons bien sûr que non ! 

Il est clair pour moi que le cardinal Suharyo ainsi que d’autres évêques indonésiens ne sont pas des bergers qui donnent leur vie pour leurs brebis :

En vertu du principe patriotique "100% catholique 100% indonésien", les évêques indonésiens ont choisi d'obéir au régime impitoyable plutôt que de défendre les opprimés. Cette attitude était clairement visible dès le début de la dictature du général Soeharto, à la fin des années 1960. La réforme démocratique de 1998 n’a pas modifié la nature féodale de la hiérarchie catholique indonésienne. Au nom de l’obéissance, ils réprimandent les chrétiens qui s’opposent à l’autorité despotique. Au nom de l’amour de l’ennemi, ils tolèrent les mauvais traitements infligés aux minorités. La neutralité de l'Église sert d'excuse pour ne pas aborder les graves problèmes d'injustice. 

Il est peu probable que l'Église catholique indonésienne défende un jour les droits des Papous. En 2014, lors d'une réunion avec les évêques du Pacifique à Port Moresby, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Mgr Leo Laba Ladjar, alors à la tête de la Conférence des évêques de Papouasie Indonésienne, a simplement nié la mauvaise situation des droits de l'homme en Papouasie : "Il n'y a pas de violations des droits de l'homme à craindre", a-t-il déclaré. Alors qu'en réalité, les opérations militaires n'ont jamais cessé en Papouasie depuis le premier jour de son annexion par l'Indonésie. Selon certaines estimations, le nombre de Papous tués s'élèverait à 500 000.

Dans une interview accordée à "hidupkatolik" en septembre 2019, le cardinal Suharyo a déclaré que "De nombreuses personnes font des commentaires sur la Papouasie mais n'y sont jamais allées. La réalité de la Papouasie est très complexe et ne peut être résolue à court terme." 

En fait, le problème papou est très simple et il n'est pas nécessaire de se rendre sur place pour le comprendre. En bref, ce qui se passe en Papouasie depuis 60 ans est une colonisation. Mais l'Église, tout autant que l'État indonésien, tente de la justifier. 

En apprenant l'histoire brutale de l'annexion de la Papouasie dans les années 1960, une personne honnête sera en mesure de voir que le cœur du problème papou est la violation de la liberté, de la dignité et de l'honneur du peuple papou. Jusqu'à présent, l'Église d'Indonésie a tenté de masquer les blessures profondes des papous par des programmes d'éducation et de santé, sans toucher à la cause profonde.

Or, si ce problème n'est pas résolu rapidement, les Papous seront probablement exterminés comme les Aborigènes d'Australie, ainsi que l'a prévenu le père Frans Lieshout, l'un des premiers missionnaires néerlandais dans la vallée du Baliem. Actuellement, les Papous autochtones ne représentent qu'environ 40 % de la population de la Papouasie indonésienne, soit moins de 1 % de la population totale de l'Indonésie.

Pire encore, dans certains cas comme celui de Merauke, la hiérarchie catholique indonésienne a cautionné la prédation des terres coutumières papoues. Alors que les communautés indigènes de Papouasie du Sud luttent contre les dégâts environnementaux causés par les plantations massives de palmiers à huile, l'actuel évêque de Merauke, Mgr Canisius Mandagi, a préféré soutenir le groupe prédateur Korindo en échange d'une aide de 2,4 milliards de roupies.

(Au cours des deux dernières décennies, soit entre 2001 et 2021, 925 000 hectares de forêt ont disparu dans la région de Merauke, tandis que 2 650 000 hectares ont été convertis "pour le développement et la croissance" au cours de la même période). 

Ce n'est pas sans raison que le prêtre augustinien papou Bernard Baru a critiqué la hiérarchie de l'Église indonésienne. En effet, celle-ci "manipule les enseignements de Jésus pour justifier son pouvoir, son confort et son statut. Ils sont eux-mêmes incapables de rendre présent le Christ crucifié il y a deux mille ans dans la réalité de la vie humaine d'aujourd'hui".

L’apathie des dirigeants de l’Église à l’égard des souffrances du peuple papou me fait me demander : pouvons-nous encore compter sur l’Église, en particulier sur celle d’Indonésie ?

L'Église devrait être le protecteur des sans défense et la voix des sans-voix. Elle ne doit pas se contenter de prêcher de bonnes paroles du haut de sa chaire. L'Évangile n'a pas de sens si l'Église choisit de rester neutre lorsque le peuple de Dieu est tué et persécuté.

Citant Matthieu 5 :13 : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. »

Franciscans International: STOP VIOLENCE AND MURDER IN PAPUA














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