Papouasie occidentale : la guerre que l’Indonésie ne peut pas gagner

Le 30 avril 1975, les tanks de l’armée révolutionnaire nord-vietnamienne pénétraient dans Saigon. 

Le monde entier assistait, stupéfait, à la déroute précipitée des derniers soldats et diplomates américains. Une superpuissance venait d’être humiliée par un peuple déterminé, bien que bien moins équipé. 


À cette époque, comme aujourd’hui, la guerre du Vietnam symbolisait l’échec cuisant de l’arrogance impériale face à la résistance populaire.

Un demi-siècle plus tard, une autre guerre coloniale, moins connue mais tout aussi tenace, continue de faire rage : celle que mène l’Indonésie en Papouasie occidentale.


Un "Vietnam" au bout du Pacifique

Annexée par l’Indonésie dans les années 1960 à la suite d’un référendum frauduleux sous supervision onusienne (le tristement célèbre "Acte de libre choix" de 1969), la Papouasie occidentale n’a jamais cessé de résister. Depuis plus de soixante ans, Jakarta tente, en vain, d’écraser l’Armée de libération nationale de Papouasie occidentale (TPNPB), qui continue de mener une lutte de libération enracinée dans les montagnes et les forêts épaisses de l’île.

Mais contrairement aux États-Unis qui, après avoir reconnu l’impasse au Vietnam, ont fini par se retirer, l’Indonésie s’accroche obstinément à cette région. Pourquoi ? Pour des raisons que même les discours officiels ne peuvent masquer.


L’obsession minérale : une guerre pour l’or et le cuivre

La justification de l’Indonésie repose sur la sacro-sainte "intégrité territoriale". Mais tout observateur sérieux comprend que les véritables motivations sont économiques. La Papouasie occidentale est l’un des territoires les plus riches en ressources naturelles au monde. Ses montagnes renferment les troisièmes plus grandes réserves d’or et de cuivre de la planète. Le géant minier Freeport-McMoRan, en connivence avec le pouvoir central, y exploite depuis des décennies des milliards de dollars en minerais, pendant que les Papous vivent dans la pauvreté, et sous occupation militaire permanente.

L’Indonésie ne défend pas un territoire, elle protège un coffre-fort.


Une armée sans morale, un ennemi insaisissable

Malgré une armada de soldats, d’armes lourdes et maintenant de drones, Jakarta ne parvient pas à briser la résistance. Le terrain est hostile, les combattants papous maîtrisent les tactiques de guérilla, et le moral des troupes indonésiennes est au plus bas. Des désertions, des cas de vente d’armes à l’ennemi, des humiliations tactiques : les signes d’essoufflement s’accumulent. Pire encore pour Jakarta, des hélicoptères sont abattus, des drones interceptés. La "puissance" militaire indonésienne s’épuise dans une guerre asymétrique qu’elle ne sait pas gagner.


Silence médiatique et complicité internationale

Si cette guerre se poursuit, c’est aussi grâce à une loi du silence soigneusement orchestrée. Contrairement au Vietnam, où les crimes américains étaient dénoncés par la presse mondiale, la Papouasie reste un trou noir médiatique. L’accès des journalistes étrangers est quasi inexistant. Les témoignages des violations des droits humains — viols, tortures, exécutions sommaires — peinent à sortir de l’ombre. Et les multinationales, avides de minerais, préfèrent fermer les yeux. Le silence est devenu un outil stratégique.


Une guerre coloniale du XXIe siècle

L’Indonésie mène aujourd’hui une guerre coloniale à l’ancienne, maquillée en opération de maintien de l’unité nationale. Mais la vérité est plus simple et plus brutale : c’est un peuple noir, chrétien, mélanésien, qui refuse de se soumettre à un pouvoir central javanais, musulman et autoritaire. C’est la vieille histoire d’un empire contre une périphérie rebelle, d’un pillage travesti en mission d’unité.


Le temps joue contre Jakarta

Malgré la censure et la répression, la résistance papoue tient bon. Certes, elle est divisée, désorganisée parfois. Mais elle persiste. Et Jakarta le sait : il ne pourra jamais "gagner" tant qu’il restera un seul Papou prêt à se battre.

Mais les indépendantistes aussi doivent apprendre du Vietnam : la victoire ne se gagne pas seulement sur le champ de bataille, mais aussi dans l’unité politique et l’intelligence stratégique. Tant que les factions restent dispersées, tant qu’elles ne parviennent pas à parler d’une seule voix, l’espoir d’indépendance restera incertain.


Hollywood contre la réalité

Les Américains, dit-on, ne gagnent qu’au cinéma. L’Indonésie, elle, ne gagne qu’à la télévision nationale. Sur le terrain, c’est une impasse. Un match nul sanglant. Une occupation sans fin.

Mais comme au Vietnam, le vent de l’Histoire souffle toujours du côté de ceux qui résistent.

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