Papouasie et Indonésie : entre mensonges historiques et réalité coloniale
L'histoire officielle enseignée en Indonésie concernant la Papouasie est profondément marquée par des mythes, des omissions et des falsifications qui servent à justifier l'annexion et la domination indonésiennes sur ce territoire.
Cette manipulation historique n’est pas un simple oubli, mais un outil politique utilisé pour nier la véritable identité des Papous et étouffer leur lutte pour l’autodétermination.
L'idée selon laquelle la Papouasie aurait fait partie de l'empire Majapahit est largement contestable. L’absence de preuves archéologiques tangibles souligne que cette prétendue continuité historique est un récit construit, davantage légendaire que factuel. Pourtant, ce mythe est instrumentalisé par la classe dirigeante indonésienne, souvent javanaise, pour légitimer une prétendue « unité historique » de l’Indonésie, masquant ainsi la diversité culturelle et politique réelle de l’archipel.
Le récit selon lequel les Papous auraient participé au Serment de la Jeunesse en 1928, emblème fondateur du nationalisme indonésien, est également déformé. Les figures papoues mentionnées ne représentaient pas les Papous, mais plutôt des intérêts externes comme le sultanat de Tidore, qui exploitait les Papous comme esclaves. Cela montre une instrumentalisation des identités et une méconnaissance volontaire de la souveraineté réelle des peuples autochtones.
Quant aux prétendus héros papous célébrés par l’État indonésien, ils ne représentent pas l’aspiration à l’indépendance ou à la liberté des Papous, mais plutôt la collaboration avec un pouvoir colonial qui a annexé la région par la force. La majorité des Papous considèrent ces figures comme des traîtres à leur cause, soulignant une fracture profonde entre l'État indonésien et la population papoue.
L’affirmation selon laquelle la Papouasie fait partie intégrante de l’Indonésie est juridiquement et historiquement contestable. Alors que les Pays-Bas ont transféré la souveraineté sur l’Indonésie en 1949, la Papouasie était administrativement et politiquement distincte, et sa cession ultérieure à l’Indonésie en 1963 fut imposée par la pression internationale dans un contexte de guerre froide, sans consultation réelle des Papous eux-mêmes.
L’image d’une Papouasie libérée du colonialisme néerlandais par l’Indonésie est une inversion grossière de la réalité. L’intervention militaire indonésienne fut une invasion brutale qui a causé des centaines de milliers de morts, violant les droits fondamentaux des Papous et leur droit à l’autodétermination. La richesse naturelle de la région, notamment l’exploitation minière menée par Freeport McMoRan, révèle que l’annexion est motivée par des intérêts économiques plutôt que par des principes de justice ou d’intégration nationale.
Le mythe de la « libération » du 1er mai 1963 est également contredit par des témoignages historiques sur la violence, les pillages et la destruction de documents essentiels à la mémoire papoue. Cette journée n’a pas été une célébration populaire, mais le début d’une longue oppression.
L’« Acte de libre choix » de 1969, souvent présenté comme une légitimation démocratique de l’annexion, est en réalité une parodie organisée sous la menace, avec un échantillon infime de Papous consultés, et n’a jamais été un référendum véritablement libre ou représentatif.
Au-delà de la falsification historique, ce déni systématique alimente la marginalisation, la violence d’État et la pauvreté persistante en Papouasie. Le refus du gouvernement indonésien de reconnaître la spécificité papoue, tant sur le plan culturel que politique, empêche toute avancée vers la paix et la justice.
Les mouvements étudiants papous tels que l’AMP et l’AMPTPI, qui continuent de revendiquer l’indépendance, incarnent la résistance vivante à ce récit officiel et au colonialisme intérieur. Leur action pour commémorer l’indépendance papoue témoigne d’une identité forte, enracinée dans la culture mélanésienne, et d’un refus persistant de la domination indonésienne.
Pour que la paix et la justice soient possibles, il est impératif que l’histoire soit réécrite honnêtement, avec la reconnaissance des crimes passés, le respect du droit des Papous à décider de leur avenir, et un engagement international plus fort en faveur de leur autodétermination. Tant que cette démarche n’aura pas lieu, la Papouasie continuera d’être un territoire annexé, exploité et meurtri, loin d’être une véritable partie intégrante de l’Indonésie.
Comments
Post a Comment