Papouasie occidentale : une tragédie à huis clos que le monde choisit d’ignorer
Papouasie occidentale : une tragédie à huis clos que le monde choisit d’ignorer |
Dix jours avant l’élection présidentielle indonésienne, Jakarta a discrètement envoyé dix mille soldats en Papouasie occidentale. Officiellement, il s’agissait de « sécuriser » le scrutin dans une région prétendument instable. Mais à quel prix ? Et surtout, contre qui ? La Papouasie occidentale ne compte que quelques millions d’habitants, avec un taux d’abstention parmi les plus élevés du pays. Cette démonstration de force soulève une question dérangeante : à quoi sert réellement cette militarisation ?
Une armée pour intimider, pas pour protéger
Selon le Mouvement uni de libération de la Papouasie occidentale (ULMWP), quelque 47 000 soldats indonésiens seraient aujourd’hui stationnés sur le territoire papou, soit le double du contingent déployé lors de l’occupation initiale dans les années 1960. Ce chiffre paraît absurde, voire grotesque, face aux maigres 500 guérilleros que Jakarta prétend combattre. Il ne s’agit pas d’un conflit symétrique, mais d’une guerre silencieuse menée contre des civils, des villages, une culture.
Ce que beaucoup refusent d’admettre, c’est que cette présence militaire n’est pas là pour maintenir l’ordre, mais pour instiller la peur. Elle vise à briser l’élan d’un peuple qui n’a jamais cessé de réclamer sa dignité.
Un parfum de déjà-vu : le spectre du Timor-Leste
L’histoire se répète. À Timor-Leste, entre 1975 et 1999, l’armée indonésienne a mis en œuvre une répression brutale contre la population locale : torture, disparitions, massacres. L’ONU a évoqué jusqu’à 200 000 morts. Aujourd’hui, c’est la Papouasie occidentale qui subit le même sort, avec le même silence assourdissant de la communauté internationale.
Menase Tabuni, président de l’ULMWP, le disait encore récemment : « Le gouvernement indonésien ne veut pas résoudre le conflit, il veut l’étouffer par la peur. » Ce n’est pas la paix qu’on cherche à imposer, mais la soumission par la terreur.
Les complices de l’ombre : entreprises et médias bâillonnés
Les journalistes étrangers sont interdits d’accès à la Papouasie occidentale. Ce black-out informationnel n’est pas anodin : il permet aux militaires de mener leurs opérations sans témoins, et aux multinationales d’exploiter les ressources naturelles sans rendre de comptes.
Parmi elles, PT Freeport Indonesia, filiale du géant américain Freeport McMoRan, tire des milliards de dollars de la mine de Grasberg, la plus grande mine d’or au monde. Une richesse extraite au prix d’une destruction environnementale massive… et d’un silence entretenu à coup de fusils.
Jusqu’à quand laisserons-nous faire ?
La Papouasie occidentale est une plaie ouverte dans la conscience collective de l’Asie du Sud-Est. Elle est le reflet d’un racisme systémique, enraciné depuis le 19 décembre 1961, jour où le rêve papou d’indépendance fut étouffé.
Ce qui se joue ici n’est pas seulement une question territoriale. C’est une lutte entre l’avidité et la dignité, entre l’indifférence et la solidarité. C’est une question de conscience.
Pourquoi continuer à écrire quand personne ne veut lire ?
Parce qu’écrire, c’est résister. C’est refuser de détourner les yeux. C’est croire, peut-être naïvement, que quelques mots peuvent semer le doute, éveiller une conscience, provoquer une action.
Je me suis souvent heurté à l’indifférence polie de ceux qui devraient savoir. Des intellectuels, des croyants, des défenseurs autoproclamés des droits humains… tous silencieux, ou pire : complices. Mais au fond, écrire sur la Papouasie occidentale n’est pas seulement un acte politique. C’est un choix moral.
Ceux qui se soucient du sort des Papous sont rares. Peut-être. Mais ce souci est un test décisif de notre humanité.
Et vous, de quel côté serez-vous lorsque l’histoire jugera ?
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