Mariage au KUA : une nouvelle manœuvre d’islamisation déguisée en pluralisme ?

Mgr Yanuarius You, évêque de Jayapura, à la paroisse du Christ Lumière du Monde, Waena, le 28 janvier 2024. Photo : Markus Haluk.

Mariage au KUA : une nouvelle manœuvre d’islamisation déguisée en pluralisme ?

Le 1er mars, Mgr Yanuarius You, évêque de Jayapura et voix lucide au sein de l’Église catholique en Papouasie, a osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : non, le mariage catholique ne peut ni ne doit être réduit à un acte administratif impersonnel orchestré par l’État. Encore moins par une institution gangrenée par la corruption comme le ministère des Affaires religieuses (Kementerian Agama).

Cette déclaration courageuse répond à la proposition controversée du ministre Yaqut Cholil Qoumas, qui veut transformer les Bureaux des affaires religieuses (KUA) en guichets uniques du mariage pour toutes les religions reconnues en Indonésie. Officiellement, cette réforme se veut inclusive. Officieusement, elle renforce un centralisme religieux de plus en plus suspect.


KUA : un outil au service du pluralisme ou de l’hégémonie ?

Dans un pays où les musulmans sont majoritaires, les KUA sont historiquement destinés aux mariages islamiques. Y introduire les autres confessions pourrait sembler équitable – en théorie. Mais dans la pratique, cela revient à imposer un cadre bureaucratique musulman à toutes les traditions religieuses. Mgr You a raison de s’insurger : faire d’un mariage catholique un simple acte civil validé dans un bureau administratif dénature sa sacralité.

Plus grave encore, la possibilité que des responsables non chrétiens — voire des imams — président des mariages catholiques est une ligne rouge à ne jamais franchir. Cette perspective est non seulement absurde mais aussi irrespectueuse du pluralisme religieux que le ministre prétend défendre.


Le ministère du Culte : pluralisme ou contrôle ?

Ne soyons pas naïfs. Le ministère des Affaires religieuses est l’un des plus riches et les plus opaques du pays. Il détient un monopole économique sur le label halal et le pèlerinage à La Mecque. Son budget dépasse même celui du ministère des Transports. Et malgré la gratuité théorique des services du KUA, la réalité est toute autre : pots-de-vin, favoritisme, procédures floues. Le mariage KUA pour tous risque fort de devenir un marché religieux corrompu.


Un projet d’islamisation centralisée ?

Il faut le dire sans détour : ce projet porte les marques d’une politique unilatérale et d’une islamisation rampante. Pourquoi les responsables des autres religions n’ont-ils pas été consultés ? Pourquoi les chrétiens, les hindous, les bouddhistes, les confucianistes ont-ils été marginalisés dans la conception de cette réforme ? Où est l’égalité ?

En Papouasie, où les chrétiens sont déjà marginalisés dans de nombreux domaines, cette initiative sonne comme une provocation de plus. L’islam d’État avance masqué, sous les atours du pluralisme, tandis que les autres confessions sont priées de se plier au modèle dominant. Mgr You, jusqu’ici seul évêque à avoir eu le courage de dénoncer cette dérive, montre la voie. Il est temps que les autres chefs religieux se lèvent.


Résister pour préserver la dignité

Ce n’est pas simplement une querelle de formulaire administratif. C’est une bataille pour la dignité spirituelle, pour le respect des identités religieuses, et pour la sauvegarde du pluralisme véritable. Accepter cette réforme sans protester, c’est trahir notre foi, notre histoire, et nos droits.

Si l’État veut vraiment promouvoir la tolérance, qu’il commence par respecter la diversité religieuse dans ses fondements. Et qu’il cesse d’imposer à tous une forme unique de gestion religieuse, surtout quand celle-ci sert de cheval de Troie à une domination idéologique.

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