Thomas Oswald : Un plaidoyer pour la Papouasie occidentale oublié des puissants

 

Thomas Oswald sur TV Libertés, 2021.

Le 7 mai, dans une émission diffusée sur Radio Notre Dame, le journaliste de l’Aide à l’Église en Détresse (AED), Thomas Oswald, a lancé une alerte poignante sur la situation dramatique des populations autochtones de Papouasie occidentale.  

Selon lui, ces communautés sont les victimes d’un véritable processus d’épuration ethnique, orchestré sous la domination indonésienne. Cette dénonciation, peu relayée par les médias occidentaux, résonne comme un appel au sursaut moral, notamment de la part de l’Église catholique universelle.


Une délégation papoue auprès du pape François : un impératif moral

Dans ce contexte, Thomas Oswald a suggéré que le pape François, attendu en Indonésie début septembre, prenne l’initiative symbolique mais puissante d’inviter une délégation de Papouasie occidentale. Il recommande particulièrement la présence de Mgr Yanuarius You, premier évêque autochtone papou, pour faire entendre les voix longtemps marginalisées de son peuple. Une telle rencontre ne serait pas seulement un geste diplomatique, mais un acte de justice. Elle permettrait au Saint-Père d’écouter directement les aspirations d’un peuple dont la foi chrétienne est indissociable de sa lutte pour la dignité et la survie.


Soixante années de dépossession et de résistance

Depuis l’annexion controversée de la Papouasie occidentale par l’Indonésie dans les années 1960 — entérinée par le référendum frauduleux de 1969 appelé l’« Acte de libre choix » — les Papous n’ont cessé de réclamer leur autodétermination. Leur combat repose sur une conviction simple : sous la domination d’un État indonésien centralisé, largement javanais et musulman, les peuples mélanésiens de Papouasie occidentale, majoritairement chrétiens, n’ont aucun avenir viable.

Le général Bernard Mawen, figure emblématique de la résistance armée papoue, a incarné cette détermination à défendre la terre et la culture de ses ancêtres. D’autres figures civiles, politiques et religieuses ont porté cette lutte sur la scène internationale, malgré les persécutions, les assassinats ciblés, et l’indifférence générale.


Une foi indissociable de la quête de justice

Le combat du peuple papou n’est pas uniquement politique. Il est aussi spirituel. L’Église catholique locale, en particulier, a souvent été à l’avant-garde des luttes pour les droits humains. Comme le souligne Markus Haluk, actuel secrétaire de l’ULMWP (Mouvement uni pour la libération de la Papouasie occidentale) et membre actif du diocèse de Jayapura : « Depuis son implantation en Papouasie occidentale, l’Église catholique a toujours lutté pour la justice, la paix et la dignité du peuple papou. »

Cette tradition est incarnée par des figures comme Mgr Rudolf Staverman, évêque néerlandais de Jayapura, qui démissionna en signe de protestation contre les exactions de l’armée indonésienne. De même, Mgr John Philip Saklil, premier évêque de Timika, fondateur du "mouvement des fourneaux", avait fait de la défense des communautés indigènes une priorité avant sa mort suspecte en 2019, que certains attribuent aux services de renseignement indonésiens.


Pourquoi le silence du Vatican ?

Face à tant de sacrifices, une question demeure : pourquoi la hiérarchie catholique mondiale reste-t-elle aussi silencieuse ? Certes, le Saint-Siège privilégie souvent la diplomatie discrète et le dialogue interreligieux. Mais cette prudence stratégique ne peut justifier l’omission prolongée d’une crise humanitaire majeure touchant un peuple chrétien fidèle à Rome. Ce silence risque d’être interprété comme une forme de complicité ou, à tout le moins, d’indifférence.


L'Église universelle face à ses responsabilités

La visite du pape François en Indonésie est perçue comme une opportunité pour renforcer le dialogue avec le monde musulman. Mais elle ne peut ignorer les réalités sanglantes qui se déroulent dans les marges de cet État. En Papouasie occidentale, la violence, l’exploitation des ressources, et la colonisation démographique détruisent la vie des autochtones et leur culture. Ne pas les évoquer, ce serait sacrifier la vérité sur l’autel du protocole.

Le pape François, connu pour son engagement envers les peuples périphériques et opprimés — comme il l’a fait pour les Rohingyas ou les peuples autochtones d’Amazonie — doit, par cohérence, élever la voix en faveur des Papous. L’Évangile lui-même l’exige : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25, 40)


Une voix attendue

Le sort de la Papouasie occidentale n’est pas une question secondaire ou locale. Il est le miroir des rapports de force internationaux, du néocolonialisme économique et du silence des grandes puissances. 

Que le pape François choisisse de rencontrer les représentants papous serait un acte prophétique, porteur d’espérance, et un message puissant adressé au monde : l’Église ne saurait rester indifférente face à l’injustice, même lorsque celle-ci est politiquement sensible.

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