Papouasie occidentale : l’amnistie ne suffit pas

Manifestants papous à Jakarta, 1er décembre 2024. Photo : Ambrosius Mulait.

La Papouasie occidentale, moitié ouest de l’île de Nouvelle-Guinée, est secouée depuis 1963 par l’un des conflits les plus anciens et les plus méconnus du monde. Depuis son intégration contestée à l’Indonésie, la région vit sous le joug d’une répression militaire constante.

Le 21 janvier, le tout nouveau président indonésien, Prabowo Subianto, a annoncé une offre d’amnistie destinée aux prisonniers politiques papous. Un geste qu’il présente comme une main tendue vers la paix. Mais derrière les mots, une question persiste : s’agit-il d’un véritable pas vers la réconciliation, ou d’une manœuvre politique visant à redorer l’image d’un État accusé depuis des décennies de réprimer brutalement le peuple papou ?

Rappelons-le : dans un contexte de conflit, une amnistie n’est ni une faveur unilatérale ni une solution miracle. Elle ne peut être dissociée d’un processus politique sérieux, fondé sur un dialogue sincère entre les parties, la reconnaissance des injustices passées et un engagement clair vers la paix. 

Or, l’initiative du président Prabowo Subianto est unilatérale, descendante, imposée sans concertation. Elle ignore les revendications historiques du peuple papou — en particulier son aspiration à l’autodétermination — et évite soigneusement toute remise en question du système de violence et de marginalisation en place.

Plutôt qu’un pas vers la paix, cette amnistie ressemble à une tentative de pacification sans justice, de silence imposé plutôt que de réconciliation véritable. Pour les militants, l’accepter sans négociation reviendrait à enterrer toute revendication d’indépendance. 

N'oublions pas que l’autodétermination est un droit inaliénable, inscrit dans la Charte des Nations unies et reconnu par le droit international. Résister à l’oppression n’est pas un crime, mais l’expression légitime d’un peuple en quête de liberté, de justice et de dignité. C’est une lutte enracinée dans l’histoire, portée par des générations qui refusent de disparaître dans le silence.

Depuis six décennies, l’occupation indonésienne de la Papouasie occidentale a coûté la vie à des centaines de milliers de Papous – entre 100 000 et 1,5 million selon les sources. Peut-on sérieusement envisager une paix durable sans justice, sans reconnaissance des souffrances infligées, sans procès pour les crimes de guerre ?

Il existe pourtant un chemin. Le défunt père Neles Tebay, figure respectée du dialogue pour la paix, avait tracé une voie claire à travers son initiative de Dialogue Jakarta-Papouasie. Un processus fondé sur l’écoute mutuelle, le respect des identités et la reconnaissance de la dignité du peuple papou. À ce jour, cette approche demeure la proposition la plus crédible et la plus humaine pour sortir durablement du conflit.

Si Jakarta veut véritablement ouvrir la voie à la paix, elle doit cesser de criminaliser la lutte légitime du peuple papou et s'engager dans un dialogue sincère et équitable. L’histoire ne se répare pas à coups de gestes symboliques ou d’annonces unilatérales. Elle se répare par le courage politique, la reconnaissance des torts et la volonté de construire, ensemble, un avenir fondé sur la justice et la dignité.

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