Conférence de Bandung : 70 ans d'imposture en Papouasie Occidentale

Cet événement majeur de l'après-Seconde Guerre mondiale a vu les représentants de pays nouvellement indépendants s'unir pour la première fois afin de lutter contre le colonialisme et l'impérialisme sous toutes ses formes, exacerbés par la Guerre froide.
Les Dasasila ou « Les Dix Principes de Bandung » défendaient les droits fondamentaux des peuples colonisés et devinrent le fer de lance de la résistance des nations encore sous la domination des puissances occidentales.
Cependant, soixante-dix ans après la Conférence de Bandung, les échos du colonialisme et de l’impérialisme demeurent tragiquement présents dans de nombreuses régions du monde. Si la décolonisation a mis un terme au contrôle direct des anciennes puissances coloniales, elle n’a cependant pas permis d’échapper à l’exploitation ni à l’ingérence persistantes des superpuissances dans les sphères politiques et économiques des nations nouvellement émancipées.
Cette injustice est d’autant plus révoltante que certains des pays pionniers de la Conférence afro-asiatique ont, à leur tour, recouru à ce qu’ils considéraient comme un colonialisme dépassé. Cela est particulièrement vrai pour l'Indonésie, qui, en prétextant la lutte anticoloniale, a annexé la Papouasie occidentale dans les années 1960.
Lorsque l'Indonésie obtint son indépendance des Pays-Bas en 1949, la Papouasie occidentale demeura sous contrôle néerlandais jusqu'au 1er décembre 1961. Le transfert de souveraineté aux Papous fut promis une décennie plus tard, en 1971.
Cependant, ce processus de décolonisation pacifique fut brutalement interrompu par la campagne militaire Trikora, lancée le 19 décembre 1961 par le premier président indonésien, Soekarno, seulement trois semaines après la proclamation de l'indépendance de la Papouasie occidentale.
Après une brève confrontation armée avec le gouvernement néerlandais, le président Sukarno parvint à faire avancer le processus d’intégration de la Papouasie occidentale au sein du territoire indonésien, à travers un accord signé avec les Pays-Bas en 1962, sous la supervision des Nations unies (ONU). Ce processus, toutefois, s’est déroulé sans la participation directe des représentants papous, dont l’implication aurait été essentielle dans toute démarche visant à déterminer l’avenir de la région.
Cette situation soulève une question cruciale : comment expliquer que le président Sukarno, leader emblématique de Bandung, se soit permis de violer les principes mêmes qu'il avait défendus ? Qu'en est-il de la solidarité internationale, en particulier entre les pays dits du tiers monde ?
Pourquoi a-t-on gardé le silence sur la tragédie que vivent les Papous de l'Ouest depuis le référendum manipulé de 1969 sur l'annexion, qui n'a été approuvé que par 1 025 Papous sur 800 000 ?
En effet, soixante-dix ans après la conférence de Bandung, le monde est toujours confronté à divers défis géopolitiques qui exigent la solidarité et la coopération entre les nations. En tant que membres d'une société qui défend les valeurs d'humanité et de justice, il est temps pour nous de reconstruire une véritable conscience anticoloniale.
L'esprit de Bandung 1955 ne doit pas être un simple document historique. Il doit être ravivé comme une boussole morale. Nous ne devons pas tourner le dos à la lutte du peuple de Papouasie occidentale qui continue à se battre pour ses droits et sa dignité en tant que nation. Les soutenir fait partie de notre engagement en faveur de la liberté, de la justice et de la dignité humaine.
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Des étudiants papous manifestent devant le musée de la conférence de Bandung, 2023. |
Les dix principes de la Déclaration de Bandung de 1955, signée par les représentants de 29 pays d'Asie et d'Afrique sont les suivants :
1. Respect des droits fondamentaux de l'homme et des buts et principes de la Charte des Nations Unies.
2. Respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de toutes les nations.
3. Reconnaissance de l'égalité de toutes les races et de toutes les nations, grandes et petites.
4. Abstention d'intervention ou d'ingérence dans les affaires intérieures d'un autre pays.
5. Respect du droit de chaque nation à se défendre, individuellement ou collectivement, conformément à la Charte des Nations Unies.
6. Abstention de tout acte ou menace d'agression ou de recours à la force contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout pays.
7. Règlement de tous les différends internationaux par des moyens pacifiques, tels que la négociation, la médiation, l'arbitrage ou le règlement judiciaire.
8. Promotion des intérêts mutuels et de la coopération.
9. Respect de la justice et des obligations internationales.
10. Abstention de recourir à des mesures de défense collective pour servir les intérêts particuliers de l'une quelconque des grandes puissances ; et abstention de tout pays d'exercer des pressions sur d'autres pays.
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