Bienvenue en Papouasie, où l’armée vient vous saluer à coups de crosse
Bienvenue en Papouasie, où l’armée vient vous saluer à coups de crosse
Quand j’étais enfant, j’avais deux rêves : devenir footballeur… ou au moins rester en vie. Parce que dans mon village, au début des années 1980, ce n’était pas les monstres des contes qui faisaient peur, c’était le Babinsa, le gentil officier de l’armée indonésienne. Lui, il ne venait pas avec des bonbons, mais avec des fusils. Et croyez-moi, ses visites n’étaient jamais des parties de plaisir.
Je l’ai vu de mes propres yeux — oui, mes pauvres yeux d’enfant — torturer et tuer des habitants comme s’il jouait à un jeu vidéo sanglant. Clic, pan, suivant. Résultat : des cauchemars à vie et une allergie sévère à toute forme de camouflage militaire.
Mais ce n’était pas un cas isolé, oh non ! Dans la Papouasie des années 70-80, on ne comptait pas les massacres, on les collectionnait comme des timbres. À Wamena, les tribus Hubula, Walak, Lani, Nduga, Yali… et en prime, Damal, Amungme, Mee – tous ont eu droit à leur “opération spéciale”. Entre 1977 et 1978, une “petite” opération militaire (avec beaucoup de tanks et zéro pitié) aurait fait 14 000 morts, selon l’Asian Human Rights Commission. Et Benny Wenda, lui, parle de 100 000 victimes. Mais chut, surtout ne le dites pas trop fort, c’est mauvais pour l’image du tourisme indonésien.
Et moi dans tout ça ? Oh, j’ai eu droit à mon lot d’aventures. Un jour, le 7 avril 2009, à Jayapura, alors que je faisais mon travail de militant (traduction : parler haut et fort dans un pays qui n’aime pas ça), des policiers m’ont très gentiment pointé leurs pistolets sur la tête.
— “Ne bouge pas ! Si tu cours, on tire !” m’ont-ils crié.
Alors moi, très digne (et un peu transpirant quand même), je leur ai répondu :
— “Je suis Markus Haluk. Je suis papou. Je suis né ici. Et je ne vais pas fuir. Parce qu’ici, c’est ma terre. Ma patrie. Mon terrain de jeu. Vous pouvez m’arrêter, mais je ne reculerai pas.”
Bon, ça faisait très film hollywoodien dans ma tête. Dans la réalité, j’ai été embarqué dans leur voiture façon Uber pas très convivial, direction poste de police. Long interrogatoire, pas de café, pas de sourire. Mais je suis rentré chez moi. Vivant. Par miracle ou par lassitude de leurs services, je ne saurai jamais.
Depuis, j’ai été arrêté plusieurs fois. Une vraie carte de fidélité. À la sixième arrestation, j’aurais bien aimé une réduction ou un t-shirt souvenir : “J’ai survécu à la police indonésienne et tout ce que j’ai eu, c’est ce mauvais traitement.”
Mais je continue. Je ne suis pas fait de plomb, mais j’ai la foi, le cœur et la rage. Et surtout, je prie Jésus chaque jour. Pas pour être épargné, mais pour avoir la force de continuer à dire la vérité dans un pays qui préfère l’ignorer.
Markus Haluk
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