Papouasie occidentale : l’Église catholique sort de sa réserve face à une crise persistante


Papouasie occidentale : l’Église catholique sort de sa réserve face à une crise persistante

 Annexion contestée, militarisation et accaparement des terres : un schéma historique qui rappelle le drame du Timor oriental sous l’occupation indonésienne (1975-1999). Les voix religieuses dénoncent un « système de violence permanent » et appellent à un dialogue de paix sous médiation neutre.


L’Église catholique en Papouasie occidentale a publiquement interpellé Jakarta pour mettre fin aux opérations militaires et aux projets de développement imposés, dénonçant un engrenage de violence, de déplacements forcés et d’accaparement des terres autochtones. À travers le Secrétariat Justice et Paix (SKP), elle décrit une région où la violence est devenue structurelle, touchant des milliers de civils déplacés et transformant églises, écoles, dispensaires et bâtiments publics en bases militaires.

Cette situation plonge ses racines dans l’histoire : ancienne colonie néerlandaise, la Papouasie occidentale a été intégrée à l’Indonésie en 1969 à l’issue de l’« Acte de libre choix », un scrutin largement contesté, limité à 1 025 représentants triés sur le volet, dans un climat de pression et d’intimidation. Ce traumatisme historique alimente encore aujourd’hui la contestation politique et le sentiment d’injustice des populations autochtones.

La crise rappelle celle du Timor oriental avant son indépendance en 2002 : militarisation, violations massives des droits humains, contrôle des populations et absence de véritable consultation populaire. Au Timor oriental, ce sont la pression internationale, l’action de l’Église locale et le suivi de l’ONU qui ont permis, après des décennies de violence, un choix démocratique souverain. En Papouasie, l’Église catholique avertit que le même type de mécanismes doit être mis en œuvre avant que la crise ne s’aggrave davantage.

 Lors de l’assemblée plénière de l’Église catholique en Indonésie, le SAGKI 2025, qui s’est tenue du 3 au 7 novembre à Jakarta, la situation en Papouasie a été abordée de manière explicite. Les évêques ont reconnu l’existence de violations graves des droits humains et de souffrances civiles prolongées, signalant un climat structurel d’injustice. Toutefois, si cette prise de parole marque un tournant symbolique, l’institution évite encore d’aborder la racine politique du conflit : le statut contesté de l’intégration de 1969 et l’absence de véritable dialogue sur l’autodétermination ou un cadre politique consensuel.

Le SKP souligne également l’impact destructeur des Projets Stratégiques Nationaux, qui ouvrent des millions d’hectares de terres coutumières à l’agro-industrie et à l’extraction de ressources sans consentement des communautés locales. Déforestation massive, militarisation des zones exploitées et effacement progressif des droits coutumiers des peuples Malind, Yei, Makleu et Kima Ima alimentent la tension et menacent la cohésion sociale.

À cette crise territoriale s’ajoute une urgence sanitaire : plus de 26 000 cas de VIH, aggravés par la consommation massive d’alcool et le manque de politiques publiques adaptées. Pour l’Église, les violations des droits humains et la dégradation sociale sont intimement liées à l’absence de reconnaissance politique des Papous comme acteurs de leur propre développement.

Face à cette situation, l’Église catholique appelle à un cessez-le-feu immédiat, au retrait des troupes non locales, à la suspension des projets imposés sans consentement autochtone, au libre accès humanitaire et à l’ouverture d’un dialogue politique Jakarta–Papouasie sous médiation neutre. L’institution insiste : là où la parole est fermée, la violence devient le seul langage possible.

« Nous serons la voix de ceux que l’on réduit au silence », affirme le communiqué du SKP, réaffirmant que la paix ne peut naître de la force, mais seulement de la justice, de la vérité historique et du respect intégral des droits des peuples autochtones.



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